Aguilera, le dossier sur lequel Arostéguy joue sa réélection

La consultation citoyenne terminée le 2 mars a donné une écrasante majorité aux avis défavorables. Pour mener à bien son projet, Maïder va devoir jouer fin.

On ne parierait pas que la biographie de Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev soit le livre de chevet favori du maire de Biarritz, mais il y a des jours où Maïder Arostéguy, à l’instar de l’ancien président de l’Union des républiques socialistes soviétiques, doit se demander si elle a raison, au lieu de décider seule comme ses prédécesseurs, de chercher à instaurer à Biarritz un semblant de démocratie participative. On se souvient que la perestroika voulue par Gorbatchev avait déclenché des turbulences dans un pays habitué à ne jamais contester et provoqué l’éclatement de l’empire russe. On peut se demander si Maïder Arostéguy en cherchant sincèrement à consulter ses concitoyens sur le dossier Aguilera (tout comme elle a annoncé qu’elle le ferait pour L’Hôtel du Palais) n’a pas ouvert une boîte de Pandore qu’elle va avoir bien du mal à refermer et qui pourrait lui coûter sa réélection en 2026.

Les limites de la démocratie participative

La claque est en effet magistrale. Le 2 mars a 16 heures, 872 citoyens se sont exprimés sur l’aménagement du plateau d’Aguilera, une sorte de record du genre. Sans surprise, les avis défavorables l’emportent largement sur ceux qui sont favorables au projet d’aménagement ou ceux qui ne se prononcent pas. Mais une telle unanimité contre le projet, avec 92,66 % de mécontents pour 5,38% de satisfaits interpelle.

La lecture des 872 contributions citoyennes (RamDam l’a fait!) est édifiante. Personne n’est contre le logement social… du moment qu’il est ailleurs. À cela s’ajoutent les amoureux du BO qui redécouvrent la nécessité d’un plateau uniquement sportif pour Aguilera, alors qu’ils n’avaient rien trouvé à redire au « projet Pichet-Aldigé » qui prévoyait la bagatelle de … 375 logements ! Sans surprise, seuls ceux qui n’arrivent pas à se loger à Biarritz expriment leur espoir en cet aménagement.

Ramdam 64-40 a salué en son temps cette volonté de démocratie participative de la ville de Biarritz.

Mais force est de constater que les citoyens ordinaires (pas plus que les génies!) ne savent résoudre des équations à quarante inconnues et que le dossier présenté lors de la dernière réunion publique recèle tellement de questions en suspens (parkings souterrains ou non, immeubles de deux ou de six étages, 200 ou 300 logements?) qu’il est impossible d’avoir un avis et que l’on peut déplorer le fait de consulter les citoyens sans leur permettre de juger avec un dossier complet.

Quand parle-t-on gros sous ?

Outre les incohérences de ce dossier, soulignées de façon très pertinentes par Jacques Saury dans Biarritzmania (https://biarritzmania.com/2023/03/02/aguilera-vers-le-fiasco/), c’est le silence pudique qui entoure le financement de l’opération. Dans toutes les réunions publiques, il n’a jamais été question d’argent alors que c’est évidemment une question cruciale pour le citoyen contribuable. Se dirige-t-on vers une opération au final rentable pour la Ville ? À faible coût ? À très fort coût ?

Décembre 2021 : les premières « balades urbaines » pour comprendre les enjeux du dossier.

Avant de demander aux citoyens de décider, ce genre de précisions s’impose pourtant. Il convient donc de se remettre en mémoire l’inacceptable projet concocté par Aldigé et Pichet.

Ce projet n’avait aucune chance d’aboutir, un club de sport ne pouvant devenir maître d’œuvre sur des terrains appartenant à la Ville, mais le montage économique qui avait été présenté doit être présent dans toutes les têtes. Moyennant le don par la Ville des terrains d’Aguilera, Pichet s’engageait à injecter 42 millions d’euros pour la rénovation du stade et la construction du centre de formation et à gagner sa vie en construisant 375 logements dont la moitié en logements sociaux. (Selon des sources proches du promoteur, Pichet espérait encaisser au final 5 millions d’euros de bénéfice),
Il va donc être très intéressant de voir si la Ville réussit à faire aussi bien en matière économique que le promoteur bordelais qui dégageait 47 millions d’euros dans l’opération avec la vente des logements (42 pour le BO et 5 de bénéfice).

Fatalement, l’équipe d’Arostéguy fera moins bien que Pichet puisqu’on est déjà passé de 375 logements, qui ne gênaient à l’époque aucun supporter du BO, à une probabilité de 250 dont 51% de logements sociaux, Mais, si la municipalité venait à perdre de l’argent dans cette affaire, il est évident que les électeurs auraient quelques hésitations au moment des municipales de 2026. D’autant plus qu’une fois l’insupportable Jean-Baptsite Aldigé parti, il va bien falloir renouer le dialogue avec le président suivant du BO et se pencher sur la rénovation du stade.

Arostéguy a encore quelques atouts dans sa manche

Sans être dans tous les secrets de la majorité municipale, RamDam peut tout de même révéler que sur ce dossier, Maïder Arostéguy consulte beaucoup et que du très beau linge la conseille. Forte du retour d’expérience de l’aménagement du quartier Kleber où des gens ont acquis des biens à des tarifs privilégiés avant de céder à la tentation d’une plus-value en revendant et en demandant à nouveau un logement social, le maire de Biarritz réfléchit à de nouvelles idées avec ses collègues du bureau national LR. Afin de permettre aux classes moyennes, jamais prioritaires pour bénéficier d’un logement social et trop pauvres pour pouvoir acheter à Biarritz, d’acquérir un bien, l’idée est de créer des BRS (Bail Réel et Solidaire) où la ville reste propriétaire des terrains, ce qui permet d’acheter autour de 3000 euros le mètre carré. La revente du bien qui ne peut se faire qu’au même prix, indexé sur l’inflation, évite toutes les tentations spéculatives. Un système que l’ancien président des promoteurs de France Philippe Ruggieri avait défendu avec ardeur dans les colonnes de Ramdam.

Le dossier doit encore franchir l’obstacle de l’Agglomération où Maïder Arostéguy est plutôt bien en cour, mais la majorité municipale verrait bien l’édification sur les 250 logements prévus de 80 BRS qui permettraient à des Biarrots de pouvoir enfin vivre dans leur ville d’origine. Et, pour ne pas être taxée comme la majorité précédente d’immobilisme, elle est bien décidée à pousser ses pions au maximum afin que les premiers coups de pioche, voire quelques logements, soient déjà édifiés avant 2026.

Ce projet passionnant montre toute la complexité nécessaire pour arriver à créer du logement sur la Côte basque. C’est très probablement sur ce dossier emblématique que sera jugée la mandature de Maïder Arostéguy et qu’elle saura si elle est en mesure ou non de se représenter en 2026. En souhaitant que Maïder chez les Biarrots ne finisse pas aussi impopulaire que Gorby chez les Soviets !

Jean-Yves VIOLLIER

2 commentaires

  1. Merci de vos propos aimables. En effet, comme vous le soulignez, la démocratie participative est un instrument trop sensible pour être manié sans expertise. Et, en tout état de cause, ce ne sont pas des balades urbaines de 12 personnes qui y contribuent.
    Comme vous je suis très étonné des près de 900 contributions. Et comme vous… je les ai lues !
    L’affaire Aguilera n’est pas finie.
    Jacques Saury

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