Vivre et non survivre dans la rue

Avec ses maraudes, la Croix-Rouge s’efforce de rendre visibles les invisibles. Reportage.

Le bureau est une chose, la rue une autre  ! Ramdam a eu envie d’en savoir un peu plus. Marie, bénévole à la Croix-Rouge, nous raconte ses maraudes, à l’heure où la plupart des Français sont plantés devant leurs télévisions  : «  Elles ont changé mon regard sur ces hommes et ces femmes que je rencontre le soir et avec qui j’ai noué des liens que je n’aurais jamais imaginé avant.  Ces tournées de rue consistent à aller rencontrer les personnes sans domicile fixe et sans abri qui ont besoin d’aide, dans les centres villes de Bayonne, Anglet et Biarritz. Nous apportons un soutien moral ou matériel par une soupe chaude, un café, un chocolat, un sandwich, une viennoiserie, une bouteille d’eau, du lait, un duvet, une couverture, des vêtements chauds, des kits d’hygiène, sans oublier les croquettes pour leur chien.  »

(Photo Croix-Rouge)

Mais le rôle des bénévoles ne se limite pas à ces besoins essentiels  :  «   Nous les informons sur les structures pouvant les accueillir le jour pour se doucher, prendre un petit déjeuner, laver leur linge ou compléter des documents avec l’aide d’un travailleur social. Nous sommes toujours attendus avec impatience et une extrême reconnaissance. Chacun est respectueux et n’hésite pas à ne pas prendre plus qu’il ne va consommer sous prétexte que d’autres qu’eux peuvent en avoir besoin. Certains se confient sur leur parcours et nous délivrent des pans de leur vie. D’autres sont plus secrets et ne se livrent pas. Mais tous nous remercient avec effusion. Ils avouent que quelquefois, nous représentons les seules personnes de la journée avec qui ils échangent quelques paroles  ».

Mendiant, clochard, SDF, un vocabulaire évolutif

Les vicissitudes de la vie, enfance cabossée, maladie, perte d’un emploi, vie familiale désorganisée amènent très vite sur la pente d’une marginalisation qui conduit irrémédiablement vers la rue.

Chaque époque a conçu son propre vocabulaire pour désigner «  ses pauvres  ». De vagabond, nous sommes passés à mendiant, après à clochard, puis sans abri pour arriver à l’expression utilisée dans le débat public, sans domicile fixe. Par ces trois lettres SDF, on désigne assez communément et à tort, tous les démunis. En fait, cela cache une réalité multiple. On parle aussi bien des hommes et femmes isolés que des familles expulsées de leur logement ou de ceux qui ont choisi ce mode de vie.

(Photo Croix-Rouge)

Marie nous parle de certaines rencontres qui l’émeuvent. Michel l’accueille tout excité  : «  Je vais commencer prochainement un nouveau travail. Je suis allé voir tout seul sur un chantier pour demander du travail, c’est ma partie, la pose de revêtements de sols  ». Des étoiles pleins les yeux, il explique qu’il a décroché un CDD. On dirait un enfant devant un arbre de Noël.

Après sa première semaine de travail, je revois Michel. Il est  extrêmement fatigué suite à dix ans de rue et d’inactivité. «  Je m’accroche. J’aime ce travail et j’ai rencontré des gens qui me font confiance  ». Cette entreprise et toute l’équipe l’épaulent dans sa reconstruction. Son but est de retrouver une autonomie et une légitimité. «  Je veux être fier de moi et que ma fille soit fière de moi  ».

Marie pense aussi à François, si timide, si courtois  : «  Pourriez-vous m’amener des vêtements et chaussures propres afin que je sois correct pour me présenter à mon nouveau travail dans la restauration  ?  ».

(Photo Croix-Rouge)

Carole, 19 ans, en rupture familiale depuis de nombreuses années, nous accueille toujours avec le sourire et optimisme  : «  Je vis avec mon compagnon, qui quelquefois me bat, dans différents squats où nous reformons avec d’autres jeunes, comme une famille. Cela nous arrive de travailler pendant des périodes mais nous consommons des drogues et c’est difficile de retrouver une vie normale  ».

Les 3 F  : Froid, Faim, Fatigue

Alice, hébergée en appartement thérapeutique, nous confie  : «  Jai des problèmes psychiques mais je continue de consommer des stupéfiants, cela ne maide pas, mais je vous remercie de passer me voir  ».

Maxime, lui préfère la rue, même si comme il le dit  : «   Cela représente les trois  F  : froid, faim, fatigue. J’ai connu une vie avec logement, travail et famille, maintenant, j’aime ma solitude avec mon chien pour compagnon, j’apprécie de voir les étoiles la nuit, je n’ai pas besoin de montre ni de téléphone, je lis les livres des bibliothèques de rue, je discute avec les gens qui s’arrêtent me parler. Je suis souvent surpris de la gentillesse des personnes qui me déposent de quoi manger  ». 

(Photo Croix-Rouge)

Mais inévitablement ces trois «  F  » usent les corps et déglinguent la tête. Pour oublier les lendemains si incertains, que reste-t-il, si ce n’est l’alcool et la drogue  ? Certains sont à la rue depuis tellement longtemps, qu’ils finissent par cesser d’essayer d’intégrer cette société qui les rejette. Ils sont exclus, traumatisés, isolés. Ils n’ont plus les codes d’une vie cadrée par les normes. La vie dans la rue est compliquée mais en sortir est certainement beaucoup plus dur que l’on peut le penser.

Apprendre à ne pas juger ces personnes, chercher à les connaître et faire de belles rencontres, Marie, bénévole à la Croix Rouge nous révèle  : «  Je croise les gens de la rue qui souffrent mais restent humains. Mais je croise aussi de nombreux bénévoles empathiques et disponibles, des policiers municipaux présents et compréhensifs, des veilleurs de centres dhébergement sécurisants et à l’écoute et surtout des élus qui se sont saisis du problème  ».

À la rue, mais pas abandonnés  !

Danielle BONNARDET

Par respect de la confidentialité, les prénoms ont été changés.

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