Le silence des tribunaux ou une justice à dormir debout

Ce sigle sur toutes les portes du Palais de Justice de Pau ne veut pas dire « faites silence » mais « vous n’allez rien entendre ! »

Si vous avez assisté le 28 juin 2022 salle N°2 lors du procès Baudry, vous avez dû être surpris de voir deux membres de Ramdam se lever et se serrer contre les murs, non pour les soutenir comme deux cariatides, mais pour coller leurs oreilles aux haut-parleurs dans une tentative désespérée d’entendre quelque chose aux délibérations.

 « Vous n’allez rien entendre », ne sont pas des mots en l’air. Si les salles du tribunal sont bien sonorisées, président, juge, magistrats et avocats ne doivent pas le savoir. Le micro placé devant eux semble plutôt être une gêne ou un objet de décoration puisque personne ne s’en sert.

Le spectacle insolite de deux plantons collés aux murs n’a fait réagir personne ; à croire que nous étions invisibles.

Le summum fut atteint ce 22 novembre dernier lors du procès d’Anita Lacarra, salle N°3. Dans cette salle, dotée de dix-huit micros, (18) le silence est néanmoins d’or.

L’avocat de la partie civile ne nous aurait pas fait un debriefing après l’audience nous n’aurions rien eu à reporter, pas un mot ! pas un mot audible ! (et nous étions quatre avec la partie civile)

Dans ces salles vides, désertées par le public, même l’écho a jeté l’éponge

et la presse ne s’y presse plus.

Pourquoi s’étonner que les audiences n’attirent plus aucun public et que la presse locale les ait désertées. Pourquoi un journaliste viendrait-il perdre son temps pour assister à un film de Méliès sans les sous-titres ?

Pourtant, la sono fonctionne et même très bien : quand, par hasard, la bouche d’un interlocuteur passe devant un micro, la syllabe prononcée jaillit des haut-parleurs, comme pour nous réveiller. Malheureusement, salle N°3, le 22 novembre, les haut-parleurs étaient hors de notre portée. Faudra-t-il venir avec une échelle la prochaine fois ?

Débats de soie et d’entre soi.

Depuis des années (Ramdam a suivi, en quatre ans, quatre procès dans les mêmes conditions) les acteurs de la justice à Pau ne peuvent ignorer que le public est privé de l’oralité des débats. Pourquoi persistent-ils ? Est-ce un effort surhumain que parler devant un micro ? Si les débats lors des conseils municipaux étaient ainsi occultés, la justice n’en serait-elle pas saisie ?

Lors du procès de Paul Baudry, nous avions déjà provoqué un incident de séance protestant de ne rien entendre. La présidente a alors rapproché son micro, seule, manifestement ça ne concernait pas les autres, qui ont continué leurs échanges, entre eux.

Pire, à notre grand étonnement, l’avocate de Paul Baudry (au civil sa cousine) quittera le lutrin des accusés pour aller s’adresser directement, à voix basse, à la présidente.  Qu’avait-elle à dire qui ne puisse être entendu lors d’une audience publique ? le bonjour de sa maman ? A quoi correspond ce manège que l’on tolère en pleine audience ? Qu’a-t-elle communiqué en cachette de la partie adverse ?

L’obstination à ne pas utiliser le micro, ces échanges chuchotés, quasi intimes autour du prétoire deviennent suspect aux yeux du citoyen. Immanquablement il y cherchera une raison, une cause ou un but.

Pourquoi cet entre-soi est-il admis ….. ou normal à Pau ? Pourquoi cette discrétion entretenue ? Pourquoi la justice paloise s’en accommode si bien ? Pourquoi aucun magistrat, juge, avocat ne proteste, alors que cette inaudibilité est connue de tous ? Que signifie cette apparente apathie ?

 Des décisions de justice qui deviennent inacceptables car insaisissables

Ajoutons à cela qu’aux yeux du citoyen, nombre de décisions de ce tribunal concernant des élus poursuivis, semblent étonnamment magnanimes et restent d’autant choquantes qu’elles furent argumentées en sourdines, insaisissables pour le public.

L’acquittement inattendu de Sophie Borotra ; la généreuse réduction de l’amende de Paul Baudry de 100 000 € à 20 000€ (1) la mansuétude à l’encontre d’Anita Lacarra laquelle narguera même la justice en répétant « je n’ai commis aucune infraction » devant les magistrats qui la condamnaient pour la deuxième fois. Nul n’en a mesuré l’affront ? Incroyable !

A Pau, la justice est-elle lassée, usée, anesthésiée à force de traiter ces affaires récurrentes, répétées, toujours les mêmes : encore un PLU modifié, profitant comme par hasard à un ou plusieurs élus, encore des conflits d’intérêt, encore des plaintes des citoyens, etc etc.. Est-ce que la multiplication de ces délits les a banalisés au point d’en adoucir la gravité ? Ou bien, est-ce une clémence habituelle concédée aux politiques ? La confiscation voulue de l’oralité des débats trahirait-elle alors une certaine .… pudeur qu’il vaut mieux tenir étouffée ? Cette impression de justice rendue dans une décence questionnable est très inconfortablement ressentie par le citoyen.

L’oralité des débats est un droit (2)

La justice se rend au nom et devant le peuple. Tolérer ce simulacre de démocratie, permettre ou installer cette discrétion dans les débats, c’est cacher au citoyen, volontairement ou non, le fonctionnement de sa justice. Que cela se poursuive, d’années en années, c’est transformer un malaise en doute, puis en suspicion.

Comme tout citoyen en a le droit, souvent l’envie, mais rarement la disponibilité, Ramdam tient à assister à certains procès pour en rendre compte à ses lecteurs. Aussi, nous espérons que cet article fera évoluer, au tribunal de Pau, la publicité des audiences.

Ramdam64-40

  1. https://ramdam6440.fr/2022/10/13/selon-que-tu-seras-justiciable-ordinaire-ou-ex-porteur-decharpe-tricolore/
  2. Principe fondamental en droit Français et inscrit dans la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (art13)

5 commentaires

  1. Effectivement, ayant été appelée à comparaître devant la Cours d’Appel de Pau à deux reprises, j’ai pu constater que les paroles des Juges et Avocats sont inaudibles
    Ce problème n’est pas normal et devrait être résolu.

    J’aime

  2. Merci à vous pour cet article.

    Cette volonté de juger sans trop se faire entendre, ne serait elle pas aussi une forme de lâcheté ?

    Au fil du délitement des compétences des municipalités au profit des agglomérations il semblerait que les magistrats deviennent de plus en plus timorés. Peut être ont ils plus à perdre (professionnellement et/ou personnellement) qu à gagner à condamner une telle puissance territoriale ?

    On pourrait donc s endormir, même debout, mais ça dépend des sujets ! Il y a des dossiers plus soutenus politiquement que d autres.

    Ainsi, une de nos actions en référé initiée début 2021 n est elle toujours pas jugée en appel à l aube de 2023 alors que les 3 ou 4 référés du BO ont été traités en 2022 😊

    Nous avons assigné la mairie de Biarritz, l agglo pays basque et le Préfet au TA. On constate dans ce tribunal des prolongations silencieuses au profit des institutions.

    Le silence : une forme de fuite en avant ?

    Bien à vous

    J’aime

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