La démonstration de force d’Alda

Réunir plus de 500  personnes un lundi soir à Bayonne, à l’heure des orages et des embouteillages, c’est une belle performance qui montre combien la question du logement est explosive au Pays basque.

C’est l’histoire d’un banc qui ne paie pas de mine dans un quartier défavorisé de Bayonne. Ce banc, dès qu’un rayon de soleil apparaît, ce qui est tout de même assez courant dans notre région, voit les personnes âgées de la Cité s’installer. Les gens passent prendre de leurs nouvelles, échangent avec eux, vont parfois jusqu’à la pharmacie pour acheter leurs médicaments. Si le banc se casse, c’est le lien social qui s’évapore, les vieux qui restent chez eux et la vie de la cité qui s’en ressent. Heureusement pour tous, des habitants du quartier adhérents d’Alda décident de se battre et d’enquiquiner le bailleur social jusqu’à ce que le banc soit réparé et qu’un local leur soit attribué. C’est aussi l’histoire de cet autre quartier défavorisé à qui on a offert… un but de football pour les enfants et non deux comme dans toute cité qui se respecte. Les habitants du quartier, adhérents d’Alda, se sont bagarrés pour obtenir ce deuxième but, face à une ville qui avait incontestablement marqué contre son camp.

En présentant ses candidats pour les prochaines élections des représentants des locataires HLM, mais en invitant aussi Cécile Duflot, François Ruffin, Jean-Baptiste Eyraud le porte-parole du DAL (Droit au Logement) et Sarah Coupechoux, représentante de la fondation Abbé Pierre, Alda a magnifiquement réussi son coup et permis à tous ceux qui s’intéressent à la question du logement au Pays basque de mieux comprendre les enjeux aussi bien dans le parc social que dans le privé.

« La moitié du parc privé aux mains de 3% des Français »

Car la réalité est vraiment très loin de nos idées reçues. C’est l’ancienne ministre du Logement, Cécile Duflot, qui le rappelle : « Les politiques se plaignent toujours de l’argent qu’ils versent pour le logement mais ne veulent pas voir ce qu’il rapporte : l’État verse annuellement 40 milliards pour aider les gens à se loger, mais encaisse 80 milliards, en particulier par le biais des droits de mutation au moment des ventes. » Il ne serait pas scandaleux que cet argent soit redistribué pour aider les mal-logés.

Txetx Etcheverry avec François Ruffin et Cécile Duflot.

Autre donnée qui démontre la nécessité d’agir : dans les années 60, le logement représentait 10% du budget des ménages. Actuellement, pour les plus pauvres, le logement atteint désormais 40 à 60% du revenu.

François Ruffin, après s’être présenté comme «  un journaliste bon à rien touche à tout » et commis la faute de goût irréparable d’arriver à Bayonne avec un pull rouge et une chemise blanche le faisant ressembler à un Biarrot, enchaîne avec des chiffres tout aussi  effarants. « 3% des Français possèdent à eux seuls 50% du parc privé. 26% des jeunes bénéficiaient d’un logement social il y a trente ans, ils ne sont plus que 13% actuellement ». L’élu de la France Insoumise va ensuite développer une théorie intéressante sur la propriété. « Le droit à la propriété n’est jamais plein et entier » Comme la salle sursaute, il s’explique : « Le droit à la propriété n’est jamais absolu, contrairement à tout ce qu’on croit. Sinon l’État n’aurait pas légiféré sur les passoires thermiques, estimant que c’est à chacun de vendre ou acheter comme il l’entend ». Le député picard prend ensuite l’exemple de l’agriculture et des restrictions de propriété quand des terrains agricoles se vendent et doivent être impérativement revendus à un agriculteur local. Il verrait bien la même chose dans le parc privé avec obligation de vendre à quelqu’un qui occupe le logement et ne le transforme pas en résidence pour vacanciers fortunés.

« Un processus d’épuration sociale dans les zones touristiques »

Sarah Coupechoux, responsable Europe de la Fondation Abbé Pierre, rappelle qu’en Suisse la limite autorisée de résidences par communes est de 20% et de 8% dans le Tyrol autrichien. Pour mémoire, nous en sommes déjà à 21% de résidences secondaires sur la Côte basque et à plus de 40% dans certaines villes côtières.

Le porte-parole du DAL, Jean-Baptiste Eyraud, qui soutient l’action d’Alda, résume l’ensemble de la soirée : « Sans logement, on n’est rien. Avec un logement merdique, pas grand-chose. La racine des dérives actuelles est simple : c’est la recherche maximale de profits avec des fraudes à tous les étages. (…) On assiste à un véritable processus d’épuration sociale dans les zones touristiques, alors que l’INSEE n’a jamais compté autant de logements vides. » Le président du Dal prend ensuite le temps de bien regarder l’assistance dans les yeux : « Ce que vous avez fait ici est magnifique. À Paris on est bien incapables de faire cela » Un propos repris par l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot qui souligne combien elle était en butte dans ses fonctions ministérielles à de nombreux groupes de pression de propriétaires, tandis que les mal logés ne se faisaient jamais entendre.

Les quelques élus présents dans la salle l’auront bien noté : avec de tels encouragements et une telle assistance, Alda, dont la devise favorite empruntée à Nelson Mandela est « Cela semble impossible jusqu’à ce qu’on le fasse », ne peut que croître et embellir tant qu’une solution durable pour le logement n’aura pas été trouvée.

Jean-Yves VIOLLIER

Alda : une réussite impressionnante

L’association citoyenne RamDam 64-40 est très admirative du travail accompli depuis deux ans par Alda, association de défense des locataires et des habitants des milieux populaires du Pays basque. Txetx Etcheverry, l’animateur de la soirée, a rappelé quelques chiffres qui montrent à quel point la question du logement a besoin d’une solution politique. En 2022, 80 dossiers à traiter arrivent chaque semaine à la permanence d’Alda qui a pu aider 357 familles ou personnes. Le nombre de militants s’est multiplié par 5 en cette même année et le journal, distribué par les bénévoles, tire à 37 000 exemplaires.

Alda mène des combats qui débouchent sur des victoires :

– Adoption par l’Agglomération Pays Basque, de la compensation qui empêche de transformer les logements habités à l’année en Airbnb permanents.

– Création par l’Etat d’un comité de lutte contre les baux frauduleux qui expulsent le locataire avant l’été.

– Recours juridiques.

– Impulsion de comités de quartier.

Et avec des conférences de cette qualité, nul doute que les effectifs militants ne sont pas prêts de baisser. Avec, comme nouvelle démonstration de force, la prochaine manifestation pour le droit à se loger, prévue le 1er avril 2023.

Danielle BONNARDET

3 commentaires

  1. Bel article, merci Jean-Yves, merci Danielle !
    Très belle conférence merci Alda !

    Et merci à Cécile Duflot lorsqu’elle a soumis l’idée d’impliquer les notaires dans la lutte contre la spéculation…

    Je n’ai en effet aucun doute qu’un moyen très simple et efficace pour lutter contre la spéculation immobilière serait d’appliquer des frais de notaires différents selon le profil des acquéreurs :
    – Réduits (5% ?) pour les primos
    – Standards (10% ?) pour un premier investissement locatif ou une 1ere résidence secondaire
    – Majorés (plus ou moins 50%) pour les autres.
    Ce qui entraînerait
    – une priorité à ceux qui ont peu
    – une baisse des prix à la vente et donc des loyers
    – une meilleure répartition du foncier (fini les 50% des biens possédés par 3% des gens).
    Yon Dourisboure

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    1. Bonjour Yon, merci pour vos encouragements.
      Vos idées sont très bonnes sur les différentes taxations qui pourraient être envisagées lors des transactions immobilières.
      Comme pour les Restos du Coeur, les Français ont souvent de bien meilleures idées que nos dirigeants.
      Danielle Bonnardet

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  2. Je constate quand même que si un bien se vend à proximité de la côte, ce sont avant tout des personnes du cru qui soit font augmenter les ventes soit achètent le bien pour le louer de manière saisonnière jusque dans des ancien garages automobiles aménagés et loués les voitures elles restant dans les rues. Le problème est bien moins simple qu’il n’y paraît. Cela étant dit oui l’Etat empoche un maximum, mais avez-vous déjà vu l’Etat Républicain que nous connaissons depuis de longues années faire ce qui est bien pour la majorité de la population ? OUI faire semblant de distribuer un grand nombre de chèques alors que les restrictions sont nombreuses ce qui n’est jamais dit !
    Gérard Schrepfer

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