L’impunité n’est pas une fatalité

La librairie « Chez Simone » à Bayonne était bondée pour écouter Hélène Devynck présenter son livre « Impunité », rédigé avec la complicité de toutes les femmes qui ont été victimes d’un ancien présentateur de TF1.

Elles se croyaient seules dans leur coin et se sont comptées « plus d’une centaine » à avoir subi les assauts d’un présumé « serial violeur » qui était aussi à l’époque le « gendre idéal » de toute la France. Malgré le traumatisme, c’est aussi une belle histoire d’amitiés, de rires et de larmes partagées, pour toutes ces femmes désormais persuadées que l’union fait la force. Il suffit de voir les regards que se lancent Nora Arbelbide et Hélène Devynck pour mesurer leur complicité. 

Journaliste de formation, devenue assistante de PPDA, Hélène Devynck était persuadée n’avoir rien à craindre de PPDA puisqu’elle écrivait pour lui  le journal télévisé, qu’il lisait avec aisance le soir sur son téléscripteur. Avant de tomber dans un piège comme les autres.

La Justice, ayant épluché chaque cas individuellement au lieu de voir un faisceau de présomptions dans toutes ces histoires concordantes, a pratiquement classé toutes les plaintes sans suite pour cause de prescription : « Nous avons toutes individuellement, au pénal, porté plainte pour viol à l’encontre de cette icône du petit écran, journaliste indétrônable de TF1, mais nos plaintes ont été classées sans suite. » Quelle classe !

Hélène Devynck continue posément : « À ce jour, le violeur n’est toujours pas inquiété par la justice. Cet homme, au-dessus de tout soupçon, crie au scandale. (…) Tout comme DSK, Hulot et tant d’autres, PPDA se dit victime de femmes névrosées, hystériques, mythomanes, menteuses mais consentantes. » PPDA, lui aussi, n’a pas hésité à porter plainte pour dénonciations calomnieuses.

La justice s’est montrée équitable. Elle a classé sa plainte sans suite.

Ne jamais fermer les yeux

L’échange est intense et pudique entre les deux narratrices et les participants. Les membres de RamDam présents sont secoués comme les autres, car ce n’est pas l’histoire d’une grande entreprise qui ne défendait pas ses salariées que nous raconte Hélène Devynck, mais celle de notre pays, tellement en retard sur le droit des femmes, la parité ou l’égalité salariale.

La parole, depuis quelques années, se libère. Le viol se dénonce, mais cela ne suffit pas. Il y aura toujours des hommes grossiers dans leurs paroles et leurs gestes et des femmes abusées. Il faut stopper ça de suite, sans sourire, rire ou plaisanter devant de tels comportements. Souvent, tout le monde sait ce qu’il se passe, comme c’était le cas à TF1, où le « romantisme » de PPDA était un sujet constant de plaisanteries. Nous ne devons plus excuser au travail, dans la rue, les transports en  commun, entre amis ou en famille, ces comportements douteux et sexistes.

Il faut accepter de dire ce que l’on voit, ce que l’on subit, sans avoir honte de parler ou craindre pour son emploi. Les relations de travail, la famille, les amis, la police et la Justice doivent entendre.

Merci à Hélène, Nora, Florence et toutes ces femmes qui ont eu la force de parler. Elles se sont battues et devront encore se battre. Mais grâce à elles, à leur courage, nous savons désormais que l’impunité n’est pas une fatalité et que la honte peut changer de camp.

Danielle BONNARDET

Un règlement de comptes ? Non, de la littérature !

Un chiffre à lui seul résume l’archaïsme de notre société patriarcale : seulement 0,6% des femmes qui osent franchir la porte d’un commissariat voient leur plainte pour agression sexuelle être prise en considération par la Justice. « Impunité » n’est pas le récit crapoteux d’une assistante qui se fait violer par son supérieur, grande star du petit écran. C’est l’histoire de femmes qui font connaissance petit à petit et découvrent qu’elles ont toutes été victimes du même guet-apens, « le coup du plateau », où l’on invite la femme choisie à admirer le grand homme en plein travail avant qu’il ne les agresse dans son bureau. C’est le difficile cheminement de femmes qui s’étaient efforcées d’oublier avant de se décider à parler, au risque de malmener tout leur entourage. C’est la cécité d’une société qui ne veut pas les entendre tandis que le violeur présumé continue à parader. C’est heureusement aussi quelques médias comme Libération, Le Monde, ou Médiapart qui ont pris l’affaire au sérieux et permis à la honte de changer de camp. Un livre par sa hauteur de vues et sa distance tout simplement magistral.

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.