L’ÉLOQUENT TÉMOIGNAGE DE LA PALOISE SOPHIE HARISTOUY SUR LE FONCTIONNEMENT INTERNE DE GÉNÉRATION ÉCOLOGIE

Alors que le dérèglement écologique s’aggrave, l’écologie  politique, dans ses instances nationales, s’enfonce dans des luttes internes irresponsables.

La lecture de la lettre ouverte de Sophie Haristouy sur Facebook , le 18 septembre dernier, où elle partage sa décision de quitter Génération Écologie, a fait tilt. Comment une personne aussi dévouée à la cause écologique, a-t-elle pu être amenée à publier de tels écrits ?

Sophie Haristouy milite depuis de nombreuses années dans les mouvements écologistes locaux et a notamment été candidate aux élections européennes de 2019 et aux municipales paloises l’année suivante. Fin 2020, elle déménage à Paris, ce qui doit lui permettre d’intensifier son engagement au sein du Conseil Exécutif, plus haute instance collective de Génération Écologie. Depuis que  Delphine Batho en a été élue présidente en 2018, ce mouvement prône l’écologie intégrale et la décroissance..

« Une organisation qui s’abîme et abime »

Les écrits de l’ex-responsable révèlent  une grave atteinte au simple fonctionnement démocratique du mouvement et désignent le Conseil Exécutif comme un lieu de pouvoir, violent. Sophie Haristouy décrit Génération Écologie (GE)  comme « une organisation qui s’abîme et abîme les personnes en encouragent des pratiques internes verticales, anti-démocratiques et avec des dérives autoritaires ». Elle parle de « véritable chasse aux sorcières en interne », et affirme que des « personnes défavorables à la ligne officielle ont été démissionnées »

Même si l’on sait que la politique est, par essence, un lieu de lutte, il est terrible de constater, pour un mouvement qui, à travers notamment l’écoféminisme, prône la non-violence, l’emploi des mêmes mots que dans les années 1950 pour désigner le mode d’épuration d’une cellule du parti communiste. Comment imaginer qu’un tel mode d’organisation permettra de répondre aux défis que l’on sait?  Comment  croire encore à l’écologie politique alors que l’on est une militante engagée ?

Un refus du présidentialisme… pour la posture

La lettre ouverte nous dit également qu’« alors que Génération Écologie combat le présidentialisme les ambitions présidentialistes du mouvement abîment les relations humaines, les partenariats, l’éthique politique… »

Ainsi, bien des anomalies à une bonne démocratie au sein de l’instance auraient leur cause dans les très hautes ambitions de quelques-unes. Encore une fois, la musique est connue, mais on s’aperçoit qu’elle va à l’encontre  même des intentions de la candidate Delphine Batho à la primaire des écologistes l’an dernier, à savoir le «  refus du présidentialisme ».

Sophie Haristouy rapporte en outre « après avoir tenté vainement d’alerter et de proposer d’autres manières de faire en interne, je me suis résignée à partir face au constat que ces mécanismes sont trop ancrés au sein de l’organisation même…écrasant la parole de la base ». On parle là d’un parti entièrement rénové en 2018 et qui a compté, au mieux 2000 militants. Le mal a pourtant l’air profond et structurel.

La conclusion, édifiante, est qu’un mouvement comme Génération Écologie, dans lequel on pourrait espérer trouver  une approche différente de la politique, reproduit exactement le même mode de fonctionnement pyramidal que les partis traditionnels, avec un objectif tout aussi dévoyé. RamDam, passionné de vie publique, ne pouvait que saluer le courage de la militante qui a osé dire « Stop ! »

Pascal ANGLADE

Le texte publié par Sophie Haristouy le 18 septembre

C’est avec beaucoup de tristesse, mais aussi un sentiment de soulagement et de grande liberté retrouvée, que je tenais à partager avec vous ma décision de quitter Génération Ecologie.

Pendant 4 ans « faire de la politique » m’a beaucoup apporté, m’a enrichi, m’a cultivé, m’a appris sur le monde, sur les relations humaines et sur moi-même.

La découverte de la pensée écoféministe m’a ouvert des horizons d’émancipation puissants, a nourri mon imaginaire, mes espoirs, développé mes convictions et ma combattivité.

Aujourd’hui, je choisis de parler, je choisis de dire, pour que le silence ne soit peut-être plus jamais une option pour moi comme il l’a été depuis l’enfance.

Génération Ecologie est une organisation politique qui s’abîme et qui abîme les personnes en encourageant des pratiques internes verticales, anti-démocratiques et avec des dérives autoritaires.

La période post-législatives, pendant laquelle les adhérents par un référendum ont souhaité l’intégration à la NUPES , a donné lieu à une véritable chasse aux sorcières internes : quel paradoxe pour un mouvement qui se dit écoféministe. Les personnes favorables à cette alliance et défavorables à la ligne officielle ont été démissionnées.

Alors que Génération Ecologie combat le présidentialisme, les ambitions présidentialistes du mouvement abîment les relations humaines, les partenariats, l’éthique politique et font barrage à une transformations des pratiques politiques qui est aujourd’hui absolument nécessaire.

La sphère politique au sens « politicien » du terme est trop violente, tout le monde s’accorde à le dire et Je n’ai pas envie de croire que c’est une fatalité, qu’elles sont constitutives de ce milieu, que les dynamiques délétères d’obsession de la conquête du pouvoir soient la seule façon de « faire de la politique ». je suis intimement convaincue que d’autres chemins sont possibles.

J’ai envie de croire que faire de la politique au sens de s’engager et de participer activement à la vie de la Cité, (car c’est ça pour moi la politique), c’est possible autrement. Les ambitions individuelles ne doivent jamais prendre le pas sur l’essentiel. Ça doit être possible. Nous n’avons pas le choix. La fin ne doit pas justifier les moyens.

Aussi, après avoir tenté vainement d’alerter et de proposer d’autres manières de faire en interne, je me suis résignée à partir face au constat que ces mécanismes sont trop ancrés au sein de l’organisation même, dans les habitudes et les façons de faire, écrasant la parole de la base.

La transformation écologique est indissociable d’une nécessaire transformation démocratique de l’ensemble de notre société : entreprises, associations, collectivités locales, administrations, familles et les partis politiques doivent être les fers de lance de cette transformation et commencer par leurs pratiques internes. C’est urgent.

S’ils ne s’engagent pas dans cette voie, ils ne feront que participer à l’aggravation de la crise démocratique que nous traversons et à la montée de l’extrême droite, des conservatismes et du patriarcat.

Et cela, je ne peux en aucun cas le cautionner, j’en appelle donc une transformation profonde des façons de faire de la politique qui est déjà en cours à mon avis en dehors des partis, à une transformation profonde des partis politiques et de leurs modes de fonctionnement et à une réinvention des liens avec la société civile et les citoyens. Plus d’ouverture, d’écoute, une gestion apaisée des désaccords et des divergences, c’est la clé.

Et pour ma part, je continuerai à m’engager pour une société plus juste, plus démocratique, plus écoféministe, c’est une ligne d’horizon qu’il ne faut pas lâcher. Il y a aujourd’hui mille façons de vivre ses engagements, j’ai hâte d’en explorer de nouvelles formes.

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