À Uhart-Cize, mur en or massif ou mur subventionné ?

Plus de 200 000 euros, soit 40% du budget communal d’investissement pour un mur multisports présenté par un copain de pelote du maire. Voilà qui pose question…

Madame Claire Dutaret-Bordagaray, maire de Uhart-Cize, une petite commune de 800 habitants, semble prête à dépenser 40 % de son budget annuel d’investissement (500 000€) pour aménager 400 m2 en « objet sportif urbain » et saccager un parc public.

Il faut dire que ce projet « W(all) », vendu par « Frontpark SAS », n’est pas rien. Il « représente un écosystème qui va du digital à la formation et l’accompagnement des futurs utilisateurs et animateurs sportifs du territoire en passant par du design actif et de la co-construction ». Épatant !

Un projet fluctuant

Un des conseillers municipaux, Gérard Roche n’a pas été sensible à ce verbiage abscons. Étrange car ce « concept » ci-dessous, type Lego géant, « Participe à la fin de la stigmatisation des sports par genre et encourage concrètement la pratique féminine. » Un piège à filles à 200 000 € ? Qui n’y souscrirait pas ?

Mais laissons Gérard Roche s’expliquer :  « Ce projet est une décision de la maire prise sans véritable concertation. Parti d’une demande de « parcours vélo-VTT » qu’aurait exprimé le conseil des jeunes, instance occulte mais à la mode, puis demande évoluant en « mix parcours vélo-parcours santé » lors du conseil municipal du 30 juin 2022, pour aboutir, sans plus de dialogue, au projet W(ALL) présenté au conseil municipal du 21 septembre 2022. » Que s’est-il passé entre temps ? Ce changement radical de projet semble plus un effet de la fièvre des subventions plutôt que de la canicule.

Prête à détruire un parc pour une subvention

Ramdam : « En effet, comment est venue à Mme Claire Dutaret-Bordagaray l’idée d’un tel projet qui outre l’endettement éventuel de sa commune, va détruire un parc, d’après les plans que nous avons relevés ? »

Un parc paisible, avec ses bancs, son boulodrome (à gauche) son ambiance pour le promeneur

Gérard Roche : « La maire a présenté l’idée aux conseillers municipaux petit à petit, alléguant d’abord une demande des jeunes alors même qu’Uhart-Cize n’a pas d’école car tous les enfants sont scolarisés à Saint Jean Pied de Port (à une rue de Uhart-Cize) où ils bénéficient de toutes les infrastructures sportives. Puis, quitte à envisager un autre équipement, elle a « appâté » avec l’appel à projet « Terres de Jeux 2024 » du département proposant à chaque commune des subventions si elle présentait un projet. «  Subvention ! », le mot magique ! Enthousiasme de la majorité des élus : surtout, ne pas passer à côté. Heureux hasard, une société s’est opportunément créée : « Frontpark » en octobre 2021 représentant le projet W(all) et aussitôt, Madame le maire est intéressée. »

Ramdam : mais comment sont-ils entrés si tôt en relation ?

Gérard Roche : je l’ignore, mais quand on sait que notre maire est championne de pelote et que la société Frontpark a été créée par M. Mikel  Poueyts dont le père, Michel Poueyts était Directeur Technique National de pelote basque, ils devaient avoir gardé certains contacts amicaux. Pour Mikel Poueyts, c’est une belle opportunité ».

Ce que donnerait le projet.

Quant à la subvention départementale soit 30% de l’investissement au maximum, Gérard Roche a calculé qu’elle serait en grande partie absorbée par les frais de licence : 35 000 €..

On vote d’abord, on fait les comptes ensuite

Gérard Roche : « Certes Madame le maire « espère » obtenir également une subvention de l’Agence nationale du sport. En tout état de cause, nous ne devons jamais oublier que les subventions sont financées par nos impôts. Il convient donc de ne pas gaspiller les deniers publics avec des investissements inutiles et des redevances enrichissant des chasseurs de subventions.  Promouvoir la santé par le sport est un objectif louable, mais ne justifie pas cette ambition démesurée, ces dépenses disproportionnées et inadaptées au cadre de vie de Uhart-Cize. Quelques agrès installés dans le parc municipal suffiraient à satisfaire raisonnablement ce souci de l’intérêt général, comme cela fut proposé. »

Claire Dutaret-Bordagaray : « Ce n’est qu’un projet »

Contrairement à bien des maires qui s’échappent, la première magistrate d’Uhart-Cize a immédiatement répondu à nos sollicitations, malgré un alibi de taille puisqu’elle dispute les championnats du monde de pelote. Précise dans ses propos et se voulant transparente, Claire Dutaret-Bordagaray va un peu nous surprendre dans sa façon de reprendre la balle au bond : «  Ce n’est qu’un projet. Tout dépend des subventions que nous obtiendrons. Rien ne dit que ce mur sera un jour construit ». Mais dans ce cas-là, pourquoi l’avoir fait voter le 21 septembre dernier à son conseil municipal si la décision n’est pas arrêtée ? La maire de Uhart-Cize reconnaît avoir préparé ce projet uniquement avec son premier et deuxième adjoint, ce qui peut donner le sentiment d’un passage en force. « Avant, on avait discuté avec des sportifs, c’est le côté convivial qui nous a séduits ».

Mathieu Peyrelongue : « Les chiffres annoncés me surprennent »

Le directeur général de « Front Park SAS » se montre tout aussi transparent et n’hésite pas à décomposer le coût du mur qu’il propose. « La licence (pour utiliser ce mur multisports)  est de 35 000 euros. Nous fournissons aussi une application pour analyser la fréquentation du mur et ne demandons aucun coût supplémentaire pour cela. »  Mathieu Peyrelongue précise que le produit a été élaboré avec des sociologues, qu’une garantie décennale s’applique à l’exception du panier de basket, considéré comme « consommable ». Le premier « (W)all » va bientôt sortir de terre dans la région toulousaine et d’autres communes du pays basque, comme Larresore, ont déjà manifesté leur intérêt pour ce projet.

Quant à la fabrication du mur, elle est confiée à un entrepreneur privé choisi par la mairie : « Je ne construis pas, je fournis », précise le directeur de Frontpark. Dans le cas de la commune de Uhart-Cize, ce serait Eiffage qui aurait été pressenti et aurait présenté un devis de 98 000 euros. Soit 133 000 euros au total. On est donc assez loin de la facture d’environ 210 000 euros TTC annoncée lors du conseil municipal du 21 septembre dernier.

Extrait de la délibération du 21 septembre avec les coûts annoncés.

Mathieu Peyrelongue avoue qu’il ne comprend pas bien, car il se déclare persuadé pour sa part que « si la commune obtient les subventions de la DRAJES (Délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports) le coût à charge pour la commune ne serait que d’environ 15 000 euros. » Face à une telle bouteille à l’encre, la conclusion s’impose : la première magistrate d’Uhart-Cize semble beaucoup plus douée pour manier la raquette de frontennis que pour jongler avec les chiffres.

Danielle BONNARDET et Michel GELLATO

L’AVIS DE RAMDAM : Amateurisme et autoritarisme

L’histoire si bien racontée par Danielle Bonnardet et Michel Gellato pourrait s’intituler « Comment se tirer une balle dans le pied lorsqu’on a un projet à présenter ». Pourquoi diable avoir annoncé un projet en juin, avant d’en présenter un tout autre en septembre, en limitant la concertation à deux adjoints ? C’était la certitude de soulever bien des interrogations dont celle de notre association citoyenne. D’autant que ce projet déjà voté n’est pas encore tout à fait adopté, selon les dires du maire, et que la décision finale ne sera prise qu’en décembre… si les subventions sont acquises ! Décembre était donc le mois parfait pour prendre cette décision, d’autant plus facile à voter si le coût final pour la commune n’est que de 15 000 euros. Charitables, on mettra ces errances de calendrier sur le compte de la jeunesse du maire.

En revanche, comment ne pas voir un peu d’autocratisme dans la décision prise en octobre de retirer à Gérard Roche sa délégation de quatrième adjoint parce qu’il avait « osé » ne pas voter comme la première magistrate ? La richesse d’un conseil municipal, c’est le débat entre citoyens qui ne partagent pas forcément le même avis tout en se respectant profondément. Si tout le monde marche au pas et vote comme un seul maire, où est la démocratie ? Très clairement, ce retrait de délégation abusif, puisque l’élu a juste eu le tort de donner son point de vue, constitue une faute de la première magistrate.


Jean-Yves VIOLLIER

5 commentaires

  1. Bonjour Danielle BONNARDET, Michel GELLATO et Jean-Yves VIOLLIER,

    Je trouve toujours dangereux et hasardeux de lancer en pâture des accusations sur une personne (élue ou pas) à propos de sujets, d’histoires ou de conflits entre personnes, passif certainement beaucoup plus complexe qu’un simple :
    « Elle l’a exclu de sa délégation de quatrième adjoint parce qu’il n’avait pas voté comme elle ! ».

    Ça frise un peu le nanani-nanère des cours d’école quand un petit se fait piquer son 4 heures par un grand !
    Dans cette diatribe clairement anti-personnelle ne transparaît pas, mais vraiment pas, un travail journalistique fouillé, équilibré à charge et à décharge. Ça sent davantage le règlement de compte balancé via un copain, élu ou pas, mais je peux me tromper.

    Les lecteurs de ce blogue aussi ont leurs sources…
    Si la mienne, de source, (issue d’un milieu autorisé) ne m’a pas menti, le conseil municipal a déchu cet adjoint (présent au vote) à la majorité.
    L’a-t-il été à l’unanimité moins 1 voix ?
    Je n’y étais pas et ma source ne m’a pas autorisé à le dire.
    Si son exclusion a été votée à l’unanimité (sauf sa propre voix ?) ce ne serait pas à son avantage, d’autant que le feu couvait probablement depuis plusieurs mois.
    Serge Plans

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    1. Bonjour,

      Vous pouvez toujours contester notre avis. C’est parfaitement votre droit et c’est ce qui fait le charme de ce blog. Pour notre part, nous continuons à penser que dans une ville où une seule liste est élue, il est vital que chaque citoyen s’exprime. Sinon autant élire le maire tout seul, puisqu’il décide tout seul et que les autres ne sont là que pour approuver.
      En revanche, j’apprécie moins dans votre commentaire, la « diatribe » et ce qui n’est vraiment pas un « travail journalistique fouillé, équilibré, à charge et à décharge ». Excusez-nous du peu, nous nous sommes rendus sur place pour voir les lieux de nos yeux, avons interrogé Madame la maire et Monsieur Gérard Roche, avons ensuite téléphoné au directeur du projet (W)all.
      Difficile d’être plus exhaustif!
      Fort de mes quarante ans de métier, je ne vois vraiment pas en quoi nous avons failli journalistiquement… Sauf d’avoir écrit quelque chose qui ne correspond pas à votre ressenti.
      Bien amicalement.
      Jean-Yves Viollier

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      1. Bonsoir,
        Je prends acte de votre non appréciation, j’avais tout de même terminé la phrase par « mais je peux me tromper. »
        Je me serai donc trompé, vous êtes journaliste.

        Mon propos est né de votre dernière phrase : « Très clairement, ce retrait de délégation abusif, puisque l’élu a juste eu le tort de donner son point de vue, constitue une faute de la première magistrate. »
        Vous parlez d’une faute, c’est accusatif.
        Êtes-vous certain que ce retrait de délégation est abusif et uniquement la conséquence de l’expression ponctuelle du point de vue de M. Roche ?
        C’est une question, je n’en sais rien, mais vous, donc, vous le savez certainement et cela a été confirmé par les deux parties.

        Bien cordialement,

        Serge Planès
        (j’ai découvert après coup que le e avec mon accent grave n’est pas passé dans mon pseudo à la création du compte).

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      2. Bonsoir Serge,

        Merci pour ce deuxième commentaire qui correspond tellement au ton que nous souhaitons lors des échanges avec les lecteurs. Vous me trouvez abrupt dans ma conclusion, ce que je peux comprendre. Je tiens d’abord à vous assurer que je n’ai strictement aucune hostilité contre l’actuelle maire de Uhart-Cize. Mais en revanche sa décision de retirer sa délégation à Gérard Roche me semble constituer une faute. Peut-il y avoir démocratie si l’on punit celui qui ose ne pas être d’accord avec l’autre?
        Bien amicalement.
        JY Viollier

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  2. Réponse à Monsieur Planès

    Le procédé est classique: lorsque les faits dénoncés ne peuvent être valablement contestés, en l’occurrence des fonds publics gaspillés, un parc saccagé et une gouvernance municipale autocratique illustrés par le projet W(all), il est usuel d’essayer de discréditer le lanceur d’alerte au lieu de faire des observations sur le fond.

    Probablement en raison d’une information partiale de la part de votre « source », vous vous méprenez sur ma conduite d’élu car, si l’on devait vous suivre, l’isolement qui est le mien au sein de l’équipe municipale invaliderait les opinions et les choix que je défends pourtant avec de solides arguments. Je fais peut-être l’unanimité politique contre moi au sein du conseil, mais moralement je ne pense pas que ce soit à mon désavantage. En effet, en décembre 2020, j’ai été le seul à m’opposer à un faux en écriture publique et usage de faux qui porte atteinte au crédit en la parole publique. Mon souci constant de l’intérêt général et du respect de la déontologie de l’élu local, explique ma mise à l’écart. Tant il est exact que selon Platon « personne n’est plus détesté que celui qui dit la vérité ».

    Là où vous semblez ne voir qu’un conflit de personnes, ce sont en réalité des visions du bien vivre et de l’avenir de notre village qui sont en cause. Dans cette affaire vous retenez à tort un règlement de compte alors que l’essentiel porte sur ce scandaleux projet W(all), qui aurait suivi son cours à bas bruits sans la saisine de la presse libre, pilier de la démocratie et recours indispensable pour informer sur les dysfonctionnements de la vie publique.

    Pour conclure sur une note moins grave, vous qui êtes, si je ne me trompe, féru de spéléologie, il me semble que le gouffre financier, à l’échelle d’Uhart-Cize, résultant du projet W(all) – alors même qu’il manque des crédits notamment pour les logements sociaux – , aurait dû retenir votre attention.

    Bien cordialement à vous.

    Gérard Roche

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