« Le Canard » à peu près aussi convaincant que Pénélope

Dans un article intitulé « La réalité dépasse le fictif », le palmipède explique que son affaire n’a rien à voir avec celle de Madame Fillon… Défense de rire !

Pénélope Fillon, pour convaincre les enquêteurs de la réalité de son emploi d’assistante parlementaire,  avait argué qu’elle lisait les journaux et répondait au téléphone pour son mari. « Le Canard », dans sa très attendue édition du 31 août, vient peu ou prou de reprendre les mêmes arguments au sujet de sa « journaliste inconnue », mais, parole de palmipède, il faut avoir l’esprit complètement tordu pour voir entre les deux affaires une quelconque similitude.

Dix ans après avoir quitté l’hebdomadaire satirique – la meilleure décision de ma vie professionnelle !- je suis plus préoccupé par ma prochaine bande dessinée à paraître en novembre et par celle prévue pour  2023 que par les coups fourrés de l’hebdomadaire satirique. Mais, pour avoir passé seize ans dans cette institution, quelques vérités me paraissent bonnes à dire tant l’article de défense du volatile me semble d’une mauvaise foi abyssale. Celle que j’ai connue à maintes reprises quand  j’étais salarié du journal.

Escaro et Brimo, pas les meilleurs amis du monde

Quelle est touchante cette histoire du scrupuleux retraité Escaro, « réticent, arguant que le cumul emploi-retraite n’est pas autorisé », alors que le journal le supplie de continuer. Très copain avec les dessinateurs du Canard, qui appréciaient beaucoup Escaro, je les ai toujours entendus dire qu’André était parti très amer. Plusieurs ont évoqué une dispute mémorable dans les escaliers du journal où les noms d’oiseaux auraient fleuri entre Brimo et Escaro. Toujours est-il qu’en seize ans de présence au journal, je n’ai croisé qu’une fois André Escaro, ce qui ne démontre pas une amitié excessive avec l’actuelle équipe dirigeante.

Pousse-toi de là que je m’y mette !

Par ailleurs, chacun ayant l’habitude de partir quand il le souhaite du « Canard » (À 91 ans, Claude Angeli continue à apporter sa contribution hebdomadaire), on  ne voit vraiment pas pourquoi André Escaro, 68 ans à l’époque, aurait renoncé à un boulot rémunérateur et confortable qui lui prenait au grand maximum un jour par semaine. D’autant qu’avec une oliveraie et un château à entretenir, ses besoins financiers n’étaient pas minces. La réalité semble tout autre : Le directeur Michel Gaillard souhaitait avoir comme administrateur son copain Nicolas Brimo et en 1996 on a gentiment poussé vers la sortie celui qui gênait en lui offrant pour le consoler quelque gâterie.

Pauvre Édith, obligée de lire les journaux

Et l’on atteint un sommet quand Le Canard met ses palmes les plus volumineuses pour tenter d’expliquer le rôle d’Édith, la compagne d’Escaro. Le jeune retraité a pris un coup de vieux soudain et est lassé « des turbulences politiques ». Édith lira donc les journaux pour André et « l’aidera à trouver l’astuce qui fait le sel des cabochons ». L’explication peut duper un profane mais le palmipède oublie de dire qu’il y a deux types de dessins dans ses colonnes. « Le dessin d’actualité » où le dessinateur après avoir lu les journaux ou écouté la radio s’empare d’un sujet et le propose à la rédaction, et le « dessin d’illustration » où on envoie un texte à un dessinateur pour qu’il l’illustre. Pour la page 2, le duo Édith-André n’avait donc nul besoin de lire les journaux, sinon par réflexe journalistique, puisqu’une première série d’échos rédigés lui parvenait le lundi soir et les derniers le mardi matin.

En panne d’astuce après des années de métier…

Quant à imaginer qu’André ne soit soudain plus capable de trouver une astuce pour ses cabochons, après avoir pratiqué la discipline pendant des décennies, voilà qui me donne un coup de vieux car je me croyais encore susceptible dix ans plus tard de trousser un papier façon Canard. Un coup de vieux et aussi des regrets financiers, puisqu’il arrivait à mon épouse, journaliste de formation, de me signaler un article intéressant ou de me proposer un jeu de mots. Elle méritait donc un salaire et je n’en avais pas conscience !

Et si Brimo et Gaillard nous communiquaient leurs revenus ?

Dans un élan de magnanimité absolue, Le Canard reconnaît que « le montage peut paraître un peu acrobatique »  mais s’arrête là dans son autocritique. Le journal « est réputé pour avoir une gestion rigoureuse, près de ses sous déplorent certains. Comme chacun le sait, il s’efforce année après année, de constituer un solide trésor de guerre pour conforter son indépendance et assurer sa pérennité ».

Admirables de désintéressement, les deux dirigeants blanchis sous le harnois, Michel Gaillard et Nicolas Brimo, 78 ans et 71 ans, sont encore obligés de trimer aujourd’hui pour sauver le journal, alors qu’ils pourraient largement faire valoir leurs droits à la retraite. Pour prouver aux lecteurs et à tous ceux qui les dénigrent leur magnifique vertu et leur sublime désintéressement, pour nous convaincre que « le trésor de guerre »  du journal est leur seule préoccupation, pourquoi ne rendraient-ils  pas publics leurs modestes revenus annuels ?

Dans un journal qui prône dans ses colonnes la transparence, ce serait bien la moindre des choses.

Jean-Yves VIOLLIER

3 commentaires

  1. Merci pour ces éclairages, Jean Yves.  Ta propositions de rendre publics, les émoluments de ces deux personnes, me paraît appropriée.
    Hervé Boissier

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