Compensation pour les meublés touristiques : a-t-on fait du quoi qu’il en coûte ?

Les élus se devaient d’agir face à la situation du logement au Pays basque. Mais les mesures de compensation semblent avoir été votées sans la moindre étude d’impact économique.

Trois semaines après le vote massif des mesures de compensation pour les meublés touristiques (169 voix pour, 8 contre, 33 abstentions) les langues se délient et le moins que l’on puisse dire, c’est que les avis sur les conséquences de la mesure votée sont très divergents. Si les élus de l’Agglo sont à féliciter d’avoir pris à bras le corps la question du logement au Pays basque qui enflammait sérieusement les esprits, RamDam 64-40 reste un peu surpris d’apprendre qu’un vote aussi important ait été fait sans la moindre étude d’impact économique, chacun se donnant deux ans pour voir les résultats de ce qu’il a voté.

La radioscopie établie par l’AUDAP (Agence d’Urbanisme Atlantiques Pyrénées) dressait un constat alarmant, avec une augmentation de 130% des meublés touristiques en cinq ans mais ne se hasardait pas à des perspectives économiques. Notre sentiment reste tout de même que cette politique « au doigt mouillé » où personne ne sait exactement les conséquences économiques qu’elle va entraîner, relève un peu de la posture et du « Quoi qu’il en coûte » cher à Macron au début de la pandémie. Dans un passionnant dossier sur le sujet réalisé par « La Semaine du Pays basque », (18/3) en collaboration avec RamDam, on voit bien à quel point la problématique pour le maire de Bayonne, celui de Cambo ou de Saint-Pée sur Nivelle est différente. Mais commençons d’abord par l’élu qui a eu le cran de dire en pleine Agglo que la mesure choisie n’est pas la bonne. Fort sportivement en effet, le maire d’Hendaye Kotte Eccenaro, a décidé d’oublier le klaxon d’or décerné en début d’année et de nous répondre.

Kotte Eccenaro : « J’en veux un peu à mes collègues »

Le maire d’Hendaye se félicite que l’Agglo se soit mobilisée sur la question des meublés touristiques. Mais pense que le bon remède n’a pas été adopté.

Kotte Ecenarro a mis un sérieux bémol au consensus ambiant lors de la délibération sur le changement d’usage des meublés touristiques, le 5 mars dernier, lors du conseil communautaire : « Si je partage le diagnostic et l’objectif vertueux de l’Agglomération, je considère que c’est une mauvaise réponse à un vrai problème ! » Ayant visiblement travaillé son dossier, le maire d’Hendaye détaillait sa pensée : la ville qu’il dirige compte 996 meublés et 65% de ces meublés appartiennent à un propriétaire qui ne propose rien d’autre à la location. Le tourisme représente 25% du chiffre d’affaires des 250 commerçants hendayais. Une rapide enquête lui donne à penser que sa ville ne va pas connaître un soudain afflux de logements vacants disponibles à la location. « A toutes fins utiles, nous avons interrogé des propriétaires concernés : 3% nous ont fait part de leur intention de louer à l’année, ce qui représenterait 30 logements, mais encore faudrait-t-il que ces logements souvent conçus pour des locations estivales conviennent aux demandeurs en termes de taille, de confort et de loyers ».

Plus simple pour Bayonne ou Bidart que pour Hendaye

Sollicité par RamDam 64-40, le maire de Hendaye a détaillé les conséquences qu’il envisage pour sa ville dans les deux ans à venir. « Je voudrais d’abord revenir sur ce vote.  24 communes seulement sont concernées, avec des situations très différentes d’une ville à l’autre, et les 232 conseillers communautaires ont voté. J’en veux un peu à mes collègues de ne pas s’être préoccupés de l’aspect économique ». Comme lors de son intervention au conseil communautaire, le maire d’Hendaye s’efforce de ne pas être polémique : « La délibération votée, permettant de faire de la location saisonnière lorsqu’on loue neuf mois à un étudiant, ne va pas beaucoup impacter des villes comme Bayonne ou Bidart. Les étudiants trouveront plus facilement des logements et les propriétaires n’auront pas à se creuser la tête pour créer un logement de même surface. Il en va de même pour Bidart avec Estia, son école d’ingénieurs. Mais Hendaye est une ville de tourisme familial qui risque d’être très impactée ».

Un parcours sécurisé pour les propriétaires

Le maire soupire : « J’ai déjà deux couples avec enfants qui sont venus me voir en me disant : « Nous avons souscrit un crédit sur vingt ans. Comment on fait maintenant ? » Et que voulez-vous que je leur réponde. On va participer avec cette mesure à la hausse des prix, renvoyer des gens à l’intérieur du pays basque et créer des embouteillages massifs l’été lorsque ces gens voudront aller à la plage. »

Kotte Ecenarro a été très frappé par le chiffre de 3% seulement de propriétaires qui auraient l’intention de louer, les autres préférant laisser les volets clos lorsqu’ils ne sont pas là. « L’Agglo aurait dû chercher à comprendre pourquoi les propriétaires ne veulent pas louer et inventer un « parcours sécurisé du propriétaire » pour dissiper ses craintes. Effectivement, sans la confiance des propriétaires, acceptant l’idée de louer à l’année sans crainte de se retrouver dans l’impossibilité de récupérer leur bien, cette mesure ne sert pas à grand-chose.

Le maire regrette aussi que les hausses de l’énergie n’aient pas été prises en compte : « Nous avons créé cette année 360 logements sociaux. En effet, beaucoup de gens éligibles étaient partis dans le privé, dans de vieilles bâtisses souvent mal isolées. Ils se tournent à nouveau vers nous, car ils ne peuvent plus assumer leurs factures énergétiques ».
Et le maire d’Hendaye de conclure : « Il est vraiment dommage avant de voter cette mesure qu’aucune étude économique d’impact n’ait été effectuée ».

Excellente infographie pour tout savoir sur la compensation dans Sud Ouest du 22 mars.

Jean-René Etchegaray : « Une mesure hautement dissuasive »

Dans La Semaine du Pays basque, le maire de Bayonne se montre très clair sur la mesure qu’il a impulsée : « Vous l’aurez compris, c’est une mesure hautement dissuasive visant à encourager les propriétaires à louer leurs biens à l’année (…) D’après les projections réalisées, ce règlement est susceptible de concerner 11 000 résidences secondaires, soit 6,5% du parc global de logements au Pays basque. (…) S’agissant des sanctions, la loi prévoit une amende civile de 50 000 euros par local irrégulièrement transformé, ainsi que l’ordre de retour à l’usage d’habitation du local par le président du tribunal ».

Christian Devèze, maire de Cambo : « Nous ne sommes pas candidats pour figurer dans la liste des 24 communes concernées »

Bien que tout juste au-dessus des 8% de logements sociaux, alors que la loi oblige à 25%, le maire de Cambo se félicite d’être passé en dessous des radars et de ne pas faire partie des vingt-quatre communes concernées par l’obligation de compensation (La Semaine du Pays basque, 18/3) : « Chez nous, nos meublés ne sont pas des meublés de tourisme. Ce sont des meublés de 21 jours pour l’essentiel qui sont un outil nécessaire à l’activité majeure des thermes ».  Un distinguo bien subtil quand on sait qu’à Cambo comme ailleurs les jeunes et les petits revenus ne peuvent plus se loger.

Dominique Idiart, maire de Saint-Pée-sur-Nivelle : « Je crains un effet de report »

Dans Sud Ouest ( 22/ 3), le maire de Saint-Pée-sur-Nivelle développe un tout autre son de cloche. Depuis le début, il ne comprend pas pourquoi sa commune n’a pas rejoint les vingt-quatre communes de la bande côtière et ne fait pas partie de la zone tendue : « Ma crainte, c’est clairement que les investissements dans les meublés touristiques explosent sur la commune, qu’il y ait un effet de report. (…) On est nous aussi dans une zone d’attractivité forte avec des difficultés à se loger ».

Comme les lecteurs pourront le constater, un même vote peut cacher bien des nuances. Rendez-vous dans deux ans pour savoir qui a été visionnaire et qui ne l’a pas été.


Enquête réalisée par RamDam 64-40

5 commentaires

  1. Étonnant voir burlesque de clamer que cela va créer des embouteillages à Hendaye l’été ! Comme si ce n’était pas déjà le cas…
    Christophe

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  2. Tres intéressant et fouillé. PAs d’étude d’impact avant, mesure faussement efficace, c’est un bon exemple d’action publique au final contre productive ds certaines communes…Bravo , continuez !!!
    E.J. Terrée

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  3. Vous connaissez les résidences saisonnières ? On vous propose l’achat d’un appartement par un groupe immobilier, vous serez donc propriétaire mais vous ne pouvez pas en disposer !!! cet appartement est destiné uniquement à la location saisonnière. Alors avant d’attaquer les petits propriétaires pour la location à l’année, allez voir du côté de ces résidences saisonnières dont les permis ont été octroyés par les municipalités, c’est encore plus qu’un scandale mais de cela personne ne dit mot.
    Krix Dulau

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  4. Comme beaucoup de gens d’ici, nous avons investi dans l’achat d’un petit studio pour le gérer comme « meublé de tourisme ». Cette réforme nous prive d’un travail, d’un revenu. Le louer à l’année ne suffirait pas pour honorer nos échéances de crédit. Seule alternative : vendre. Ce tout petit appartement qui est occupé toute l’année par des touristes mais aussi des stagiaires, des travailleurs, a une utilité sociale et outre le fait qu’il nous rapporte un revenu, il fait indirectement vivre aussi le commerce local. A noter, ce studio était une résidence secondaire lorsque nous l’avons acheté, inoccupé la majeure partie de l’année, c’est probablement ce qu’il redeviendra lorsque nous l’aurons vendu. Il est bien regrettable que nous, petits » loueurs de meublés de tourisme » n’ayons jamais été consultés. Personnellement, j’aurais suggéré l’augmentation de la taxe de séjour ou toute autre contribution qui aurait rapporté aux municipalités des moyens supplémentaires pour créer du logement social.. Pourquoi ne pas partager la richesse engendrée par le tourisme au lieu de s’en priver ?
    Pierre Laclau

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    1. Un peu comme ceux ( nos pauvres « petits » actionnaires) qui investissent dans des entreprises cotées en bourse et verraient leurs dividendes baisser à cause de la hausse des salaires minimums?

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