un peu ordinaire conseiller municipal À bayonne

Lorsque notre association citoyenne a voulu interroger Philippe Daubisse, il nous a menacés par avocat interposé, avant que le maire ne joue le médiateur.

C’est à un spectacle insolite qu’ont pu assister, entre les deux confinements, les rares passionnés qui suivent tous les conseils municipaux de la ville de Bayonne. Jean-Pierre Duprat se présente toujours très en avance et, dès que les portes s’ouvrent, il s’installe au premier rang réservé aux spectateurs. Au lieu de se tourner comme les autres vers le maire ou le conseiller municipal qui prend la parole, cet homme discret darde son regard dans celui du conseiller municipal délégué aux actions pour une ville propre et ne le lâche pas pendant toute la séance qui dure souvent plusieurs heures. Il faut dire aussi que le premier a été le propriétaire du second de 2016 à 2020 et qu’un sévère contentieux les oppose.

Pour Éric Menard, notre correspondant de RamDam 64-40 en charge des affaires bayonnaises, Philippe Daubisse n’est pas un inconnu puisque nous menons à son sujet une enquête au long cours qui a débuté en 2019… suite à des confidences faites par des membres de son propre parti, Les Républicains. Une enquête qui nous amènera à nous intéresser à la condamnation de l’élu au tribunal d’instance de Bayonne le 1er juillet 2019, son propriétaire Jean-Pierre Duprat ayant demandé en référé l’expulsion de son locataire suite à de nombreux impayés.

Considérant alors que Philippe Daubisse faisait partie du menu fretin politique par rapport à quelques artistes de la vie publique locale, nous avions décidé de laisser tomber notre enquête si l’élu ne se représentait pas, estimant que toute personne peut à un moment ou un autre connaître des troubles dans sa vie privée et qu’il lui suffit de ne pas postuler à la vie publique le temps de régler ses problèmes.

À notre grande surprise, Philippe Daubisse s’est retrouvé reconduit en 2020 sur la liste électorale de Jean-René Etchegaray. Ne voulant pas interférer dans l’élection municipale nous avons attendu la rentrée avant d’adresser à la mairie de Bayonne, le 23 octobre dernier, une demande d’entretien avec Philippe Daubisse.

La réponse ne se fera guère attendre et ne sera pas tout à fait celle que RamDam 64-40 avait envisagée. Le conseiller municipal a fait rédiger un courrier musclé par un avocat bordelais :

RamDam 64-40, qui n’avait jamais envisagé une carrière dans la délinquance, se retrouve donc accusé de « chantage » et menacé de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ce qui est un peu beaucoup pour le petit cochon rose qui nous sert de tirelire. Nous prenons donc à notre tour notre plus belle plume, pour répondre, le 18 novembre, à l’avocat de Philippe Daubisse.

Le maire de Bayonne joue les médiateurs

Décidés à remettre un peu de bon sens dans ce monde de brutes, nous alertons ensuite le maire Jean-René Etchegaray qui nous reçoit à la mairie le lundi 14 décembre. Nous lui exprimons notre vive indignation et, à demi-mots, le maire de Bayonne reconnaît que son conseiller municipal, grand passionné de tauromachie, n’a peut-être pas eu l’inspiration du siècle en agitant ainsi la muleta devant nous. Habile, il nous propose d’organiser un entretien avec Philippe Daubisse pour que nous nous expliquions enfin. Ce rendez-vous aura lieu le mercredi 13 janvier 2021 dans les locaux de la Communauté d’Agglos du Pays basque.

Philippe Daubisse, tel qu’il apparaît sur le site officiel de la ville de Bayonne. Lors de notre entrevue, le 13 janvier avec lui et Jean-René Etchegaray, le conseiller municipal a refusé d’être pris en photo, ce qui est tout de même surprenant pour un homme public.

Nous réaffirmons notre mécontentement d’avoir été menacés par l’avocat de Philippe Daubisse. Ce dernier explique sa réaction par la surprise qu’il a ressenti en recevant notre lettre « Vous avez parlé de déboires et c’est pour ça que ma réaction a été un peu épidermique. J’ai donc transmis votre lettre à mon avocat ». Quand vous êtes expulsé de votre logement sur décision de justice, il nous semblait à RamDam que le mot « déboire » était approprié.

Nous en arrivons au point essentiel : un élu peut-il se représenter quand il est en position de fragilité dans sa vie personnelle ? Philippe Daubisse ne nie pas son contentieux avec Jean-Pierre Duprat qui a été son propriétaire de 2016 à 2020 : « J’ai jugé qu’un litige privé n’avait pas à intervenir dans mon engagement politique et qu’il ne m’empêchait pas de me présenter ».

RamDam 64-40, qui ne déteste pas les chiffres, s’est livré à de savants calculs et estime que les sommes dues à Monsieur Duprat avoisinent les 12 000 euros (environ 8 000 euros d’impayés et 4 000 de frais de justice), Philippe Daubisse semble surpris avant d’admettre que le montant correspond sans doute à la réalité.

Une mémoire assez imprécise

Même problème de mémoire sur l’ordonnance de référé rendue par le tribunal d’instance de Bayonne. Deux ans après être entré dans les lieux, et après avoir omis de payer quelques loyers, Philippe Daubisse, suite à la demande d’expulsion faite par Jean-Pierre Duprat et signifiée par huissier, conteste la surface du bien qui lui est loué, et estime qu’il n’a pas à débourser 30 euros supplémentaires pour le parking et la cave qu’il occupe.

En règle générale, quand un locataire a un litige avec son propriétaire, il met le montant du loyer contesté sous séquestre. Bizarrement, le jugement du tribunal ne mentionne pas ce fait, gage de bonne foi du locataire : « J’ai demandé à mon conseil de le faire, mais je ne sais pas s’il l’a fait, précise Philippe Daubisse. Il vous contactera ». Étonnant tout de même qu’un banquier habitué à manier les chiffres ne sache plus si la somme conséquente correspondant aux loyers impayés est sur son compte ou celui de son avocat…

Vingt-quatre heures avant la publication de cet article, nous avons reçu de maître Ballade une attestation de consignation de fonds, affirmant que Philippe Daubisse a versé 5 000 euros sur un compte réservé. Mais, comme c’est bizarre, ce document n’est ni daté, ni signé, contrairement à l’aimable missive envoyée par l’avocat bordelais à RamDam et on peut donc s’interroger sur la valeur de l’attestation qui nous est présentée.

Autre bizarrerie de l’audience, le juge balaie d’un revers de main les arguments présentés par l’avocat du conseiller municipal qui affirme ne pas avoir pu payer son loyer à cause de l’achat d’une voiture, argumentation qui peut prêter à sourire pour un directeur de banque. Là aussi, Philippe Daubisse s’étonne : « Je n’étais pas présent à l’audience. Mais ça ne correspond pas à la réalité ».

Le juge ordonne donc l’expulsion du conseiller municipal, expulsion qui aura lieu le 18 mai 2020 et lui demande de rembourser Monsieur Duprat à hauteur de 100 euros par mois. Selon nos informations, le propriétaire n’aurait touché en tout et pour tout que 800 euros en novembre dernier, alors que Philippe Daubisse a arrondi ses revenus depuis juin dernier puisqu’il touche en plus de son salaire environ 600 euros mensuels d’indemnité comme conseiller délégué.

Philippe Daubisse face à nos affirmations, ne sait pas, n’est pas sûr, mais ne nie pas les faits : « Monsieur Duprat sera payé jusqu’au dernier sou. Simplement pour le moment, je n’ai pas encore décidé quelle suite je vais donner à cette affaire ».

Sachant que le contentieux remonte à 2018, on espère simplement pour Bayonne que lorsque le conseiller municipal est confronté à un souci dans son domaine de la ville propre, il est un peu plus prompt à réagir.

Jean-Yves VIOLLIER

Etchegaray : « Je suis au courant de ce conflit »

Le maire de Bayonne, après avoir caressé RamDam 64-40 dans le sens du poil – « Vous faites une œuvre utile et difficile » – ne botte pas en touche dans cette affaire : « Jean-Pierre Duprat que je connais depuis longtemps est venu me voir en janvier dernier pour me faire part du conflit qui l’opposait à Philippe Daubisse. J’ai été surpris, car Philippe est un vrai généreux et un homme que j’apprécie au quotidien. J’ai discuté avec lui et estimé qu’il s’agissait d’un conflit privé et j’ai donc décidé de ne pas retirer son nom de la liste ».

RamDam 64-40 se félicite pour sa part d’être entré en contact direct avec Philippe Daubisse qui apparaît plus sympathique lorsqu’il s’explique en direct, ce qui est son rôle d’élu, que lorsqu’il passe par son avocat. Mais, au terme de notre enquête, notre association citoyenne n’a pas changé d’avis sur ce qui lui semble un des piliers de la démocratie : un candidat à une élection doit renoncer au poste qu’il brigue s’il connaît des troubles dans sa vie privée, car il subira immanquablement des pressions de par cet état de fait. Et l’on retrouve avec cette histoire l’éternel débat de la vie publique, entre ce qui est illégal et ce qui est juste immoral. Philippe Daubisse avait le droit de se présenter. Mais, à l’évidence, il aurait mieux fait de s’abstenir.

  • Sollicitée par RamDam 64-40, l’opposition bayonnaise a préféré sourire mais ne pas commenter.

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