Une mauvaise pièce jouée par de mauvais acteurs

Le procès pour diffamation opposant Pierre Haffner à la conseillère municipale biarrote Elena Bidegain, accusée d’avoir introduit un espion russe au sein de la mairie, a tourné à la confusion.

Pas sûr que Jeanne d’Arc en 1431, face à ses accusateurs, se soit défendue avec plus de véhémence que Pierre Haffner le jeudi 21 mars devant le tribunal de Bayonne où il comparaissait pour diffamation ! L’homme, qui a été chef d’entreprise en Russie et vit désormais à Anglet, est habité par sa cause, convaincu que dans « la guerre hybride » que nous traversons avec la Russie, des citoyens doivent agir, et il a bien du mal malgré les rappels à l’ordre de la présidente Emmanuelle Adoul, qui mène les débats avec beaucoup de subtilité, à répondre aux questions et à s’arrêter de parler quand on lui demande.

La présidente du tribunal correctionnel a pourtant posé le cadre de cette audience. « Le tribunal ne va pas s’intéresser à la véracité de ce que vous avez écrit, mais juste savoir si c’est diffamant ». Une déclaration d’intention impossible à tenir comme dans bien des affaires de diffamation. En effet, Pierre Haffner a mis en lumière sur ses pages Facebook et sur le blog qu’il tient sur Mediapart le parcours, que l’on qualifiera « d’étrange » du journaliste et peintre russe Alexei Lushnikov introduit au sein de la mairie de Biarritz par la conseillère municipale Elena Bidegain, née Kutuzova. Soit Pierre Haffner ne s’est pas trompé sur le rôle trouble d’Alexei Lushnikov sur la Côte basque et dans ce cas il mérite le titre de « lanceur d’alerte » que réclamera son avocat, maître Antoine Tugas, soit ses écrits sont un tissu d’élucubrations, et il est logique de le retrouver devant le tribunal pour diffamation.

Le pire ennemi de Pierre Haffner ? Lui-même !

Disons-le tout net : alors que cette audience se terminait de façon fort tardive au-delà de 21 heures, on a parfois souffert pour maître Tugas, tant son client s’est acharné à donner une mauvaise image de lui. La présidente lui demande s’il parle russe et il répond par une tirade en russe de cinq minutes. Et la moindre question, si Pierre Haffner décide d’y répondre, entraîne la même démesure, plutôt inhabituelle dans un tribunal. Mais, pour avoir connu au Canard enchaîné, nombre de citoyens habités par leur cause et perdant toute modération tellement ils sont convaincus de leur bonne foi face à l’injustice, il est prudent de se garder de toute conclusion hâtive. Pierre Haffner pour sa part s’étonne d’être au tribunal, alors qu’il estime avoir fait œuvre de citoyen responsable. « J’ai prévenu la maire et je me retrouve au tribunal… C’est le monde à l’envers !» s’indigne-t-il.

Une indignation qui l’empêche parfois de voir les perches que lui tend la présidente en lui demandant « s’il est prêt à l’avenir à ne plus écrire sur Madame Bidegain ». Un hypocrite aurait dit oui immédiatement. Mais Pierre Haffner est trop convaincu de ce qu’il affirme, trop occupé à détailler la galaxie pro-Poutine qui sévit sur la Côte basque pour prendre le moindre engagement. Curieusement, alors que l’ex-journaliste devenu peintre depuis 31 ans sur la Côte basque, Alexei Lushnikov, a fermé son site et fait disparaître toute trace d’activité commerciale (Pierre Haffner a démontré que tous ses tableaux étaient des copies d’œuvres de grands maîtres et en tire la conclusion que cette activité était une « couverture » pour son activité d’agent secret) le retraité angloy se perd dans des descriptions de vidéos que personne n’a vues à l’exception de ceux qui ont pris la peine de se pencher sur son dossier et oublie de parler du rôle de Madame Bidegain-Kurosova, qui était chargée de commercialiser les œuvres de Lushnikov en France. Ce qui ne prouve pas pour autant son appartenance aux services secrets russes.

Une élue ne peut se contenter du silence

La défense de la conseillère municipale biarrote va donc pouvoir s’en donner à cœur joie, sans pour autant se montrer très convaincante. Maître Jean-François Paulsen la joue condescendant « L’espionnage du pauvre. C’est simpliste, c’est complotiste, c’est pathologique », ce qui est une façon habile de ramener à peu de choses le travail de Pierre Haffner. RamDam qui a quelques entrées sur la Côte basque peut affirmer que des mises en garde ont été adressées sous le manteau à des élus et aux représentants de l’État et que quelques agités pro-Poutine de la Côte basque sont actuellement particulièrement dans le viseur. L’attaque de maître Mehdi Boudjenane, l’autre défenseur d’Elena Bidegain, sera encore plus virulente : « Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes aussi fâché contre la Russie ? », avant de rajouter narquois à l’adresse de l’accusé : « Et ne soyez pas trop long ».

Tout le monde attendait les explications de la conseillère municipale et le moins que l’on puisse dire est qu’elles ont déçues. En larmes, Elena Bidegain affirme « Je suis Française » et demande « Qu’il arrête ! » avant de dire que sa voiture a été dégradée et qu’elle se fait traiter d’agent du KGB quand elle circule.

Les étranges photos que l’on retrouve sur le Facebook de la conseillère municipale.

On comprend parfaitement l’émotion de la mère de famille si elle est accusée injustement, mais d’une élue, on pourrait attendre un peu plus et qu’elle s’explique enfin sur sa relation avec le sulfureux Lushnikov. A-t-elle pris ses distances avec lui ? Reconnaît-elle une imprudence ? Les écrits de Pierre Haffner l’ont elle aidé à prendre conscience d’une possible manipulation ? L’auditoire reste sur sa faim.

Et le malaise s’accroît quand maître Paulsen croit bon d’évoquer « une ambition politique anéantie », ce qui est tout de même pousser un peu fort babouchka dans les orties. En effet, tous ceux qui suivent régulièrement les conseils municipaux de Biarritz n’ont pas véritablement remarqué chez l’actuelle conseillère municipale déléguée à la démocratie participative et aux jumelages le talent oratoire et le foisonnement d’idées qui préfigurent les grandes carrières politiques.

Roseline Clérisse, la procureure, comprend que cette mauvaise pièce jouée par de mauvais acteurs ne mérite pas de s’éterniser. Dans son bref réquisitoire elle salue le caractère « passionné » de Pierre Haffner mais regrette ce « combat qu’il mène mal » et demande 12 000 euros d’amende, dont la moitié avec sursis, pour diffamation. Les avocats d’Elena Bidegain estiment le préjudice à 15 000 euros, tandis que maître Tugas réclame le statut de lanceur d’alerte et la relaxe pour son client.

Le tribunal se laisse jusqu’au 16 mai à 14 heures pour rendre son verdict, ce qui lui permettra de regarder en détail les affirmations de Pierre Haffner qui a effectué un colossal travail de recherche et de constater que certaines de ses découvertes sont fort troublantes.

Jean-Yves VIOLLIER

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2 commentaires

  1. Si je comprends bien, la présidente me proposait un marché en prévision d’une condamnation qu’elle préjugeait. C’est du prématuré. J’aurais dû prendre des obligations avant d’être condamné. Excusez-moi pour la présomption d’innocence.
    Je n’avais pas à envisager d’être condamné et encore moins à me restreindre à je ne sais quoi car je suis innocent.
    Qu’est ce ce truc qu’on me proposait. Moi, je ne comprends toujours pas.

    Sinon, bonne analyse, y compris sur mon style, franc et non faux cul.

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