Les victimes oubliées de la grande guerre des Embruns

Le licenciement justifié de la directrice des Embruns ne doit pas faire passer sous silence le départ d’une équipe médicale injustement virée alors qu’elle faisait l’unanimité.

C’est l’histoire d’une équipée désastreuse que n’aurait pas désavouée le général Nivelle, surnommé en 1917 le « boucher de Verdun » pour son indifférence aux morts qu’il laissait derrière lui. Prenez un établissement réputé qui suscite une immense gratitude chez les malades, une équipe médicale appréciée de tous, un personnel soignant d’un dévouement admirable – je le sais, j’y ai passé six semaines ! – et mettez en face une directrice soucieuse d’asseoir ses prérogatives et un conseil d’administration un peu hétéroclite où le marchand de stores côtoie une sœur dominicaine.

Et que décide cette fine équipe en novembre 2022 ? Que le médecin-chef, avec ses 26 ans d’ancienneté, commence à coûter cher et qu’il serait bon de dénicher quelques griefs à son encontre pour le licencier pour faute et faire des économies. Alors on écoute longuement un patient un peu moins content que les autres. Sous prétexte d’enquête interne, on diffuse un questionnaire et quand le personnel déplore le manque de communication en visant la direction, on dit à l’équipe médicale qu’elle ne dialogue pas assez avec le personnel soignant. Résultat ? Un désastre prévisible par tous à l’exception de la directrice et de son brillantissime conseil d’administration. Une équipe médicale qui fait bloc et part, à l’heure où trouver un médecin disponible en France relève de l’exploit, un personnel non-syndiqué qui se révolte et constelle de banderoles l’établissement, une Agence Régionale de Santé dépassée qui accepte finalement que l’établissement reparte avec un médecin de… 82 ans et la quasi certitude pour tous que l’établissement va dans le mur.

Le conseil d’administration : courage, fuyons !

Le courage étant rarement une vertu cardinale chez ceux qui pantouflent dans les conseils d’administration, décision est prise, face au constat que le bateau amiral de la directrice Christelle Leleu a déjà les moteurs en feu, d’organiser une mission de consulting et d’inciter la directrice à prendre du repos. C’est ainsi que le 23 janvier dernier arrive Philippe Libier, directeur des opérations de Senecare, une entreprise spécialisée dans le redressement des établissements médicaux.

L’homme, accueilli avec prudence, suscite plutôt la sympathie du personnel tant il se montre énergique. Très vite, il comprend l’ampleur des dégâts, mesure les « libertés » que s’autorisait la directrice et décide de la licencier, ce qui est sans doute la seule solution pour que l’établissement retrouve son éclat. Contacté par téléphone, le consultant ne joue pas l’esquive après avoir affirmé son intérêt pour «  ce superbe établissement ». Le licenciement de la directrice ? « Je confirme ! ». Le conseil d’administration à l’origine de cette décision ? « Des modifications statutaires seront opérées ».

Détail cocasse, alors que tout ce charivari semble avoir été provoqué par une intempestive recherche d’économies, recherche d’autant plus injustifiée que les médecins seraient payés 20 à 30% de plus dans les autres établissements de la Côte basque, voilà désormais le centre de soins de Bidart obligé de faire la danse du ventre pour tenter de recruter des praticiens « inscrits au Conseil de l’ordre » et « diplômés en MPR » (Médecine Physique et de Réadaptation), comme le prouve le document trouvé sur Linkedin. Et cette fois, plus question de mégoter sur l’argent. L’heureux élu prêt à se dévouer pour venir sur la Côte basque, punition terrible s’il en est, verra ses frais de transport et d ‘hébergement pris en charge. Et touchera en CDD 650 euros net par jour.

En attendant les prud’hommes

Voilà où conduisent les errances d’un quarteron de hiérarques incapables d’analyser sainement la situation ! Car il serait trop facile désormais de charger de tous les pêchés de la terre la directrice sur le départ. RamDam 64-40 n’oublie pas comment la vice-présidente du conseil d’administration Joëlle Dareths avait affirmé les yeux dans les yeux, le 7 janvier dernier, son soutien inconditionnel à toutes les décisions prises en novembre par Christelle Leleu. On espère donc que le sens de la dignité conduira l’ancienne pharmacienne à démissionner de ses fonctions et à assumer ses malencontreuses décisions comme tous ceux qui ont approuvé cette désastreuse opération.

En souhaitant évidemment que le centre de soins de Bidart retrouve de sa superbe, reste maintenant à attendre que se règle le sort de ceux qui sont les grandes victimes oubliées de cette affaire. Les quatre médecins qui faisaient particulièrement bien leur travail et qui se sont retrouvés contraints à partir, sans cause réelle ni sérieuse. Bien entendu, si procès il y a, RamDam 64-40 sera présent au conseil des prud’hommes. Pour que Justice soit rendue à ceux qui ont été si scandaleusement licenciés ou poussés à quitter l’établissement.

Jean-Yves VIOLLIER

COUP DE GUEULE DES SALARIÉS

Dès la parution de cet article un collectif de salariés a adressé un message à RamDam que nous publions avec plaisir :

« Les salariés qui se battent depuis deux mois, qui risquent toujours de perdre leur boulot dans un mois et n’auront pas la possibilité d’en retrouver aussi facilement que les médecins, ni les moyens financiers et sociaux de se faire dédommager, se sentent eux aussi oubliés. Nous n’avons rien voulu de tout cela, nous sommes exempts de tout reproche et nous nous faisons harceler et maltraiter par l’encadrement depuis plus de un an dans l’indifférence générale. »

10 commentaires

  1. Ouf!
    Tout vient à point…
    Mais quel gâchis! Comment ce Conseil d’Administration a pu laisser perdurer l’incompétence de cette directrice toxique pendant 6 ans. Et valider toutes l’ineptie de ses décisions.
    Et maintenant que les Prud’hommes vont s’emparer des dossiers des licenciements abusifs, Maintenant va se poser le problème des conséquences financières de toutes ces inepties… Et de leur réparation! Peut être que ce Conseil d’Administration pourra évoquer la responsabilité personnelle de cette « Directrice » déchue et lui demander réparation ; à moins qu’il ne se sente lui même (ce Conseil d’Administration) coupable de complaisance vis à vis de celle qu’ils ont protégée -et qui a conduit les Embruns dans le mur- pendant 6 ans.
    Quel fiasco!
    J’espère que l’ensemble du personnel, héroïque dans cette affaire, saura relever ce nouveau défi et rendre aux Embruns ce que Madame LELEU s’est évertué à déconstruire; et que cette dernière repartira très vite, lorsqu’elle aura rendu des comptes…
    P. Saint-Jours

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  2. LES RATS QUITTENT LE NAVIRE !!!

    Je trouve particulièrement intéressant de constater qu’en 2023 les mentalités n’ont pas évoluées, les médecins devraient relire leur fameux serment et les patients devraient arrêter de les aduler juste sous prétexte qu’ils sont médecins, car c’est bien plus complexe que ça en a l’air
    Ce sont les autres salariés qui ont fait des Embruns leur réputation et on ne voit jamais leur nom, leur situation, leur souffrance mentionnés et tiens parlons de leur salaire qui pour leur part ne bénéficient d’aucun bonus !
    Les médecins font bien preuve de despotisme et de lâcheté, Pourquoi Monsieur, vous ne précisez pas qu’ils se sont mis en arrêt de travail pour soutenir « soit disant » leur collègue bafouée et qu’ils avaient déjà un plan B avec un pont d’or dans un établissement concurrent ?
    …. Je connais bien « Les Embruns » et je ne suis pas sûr de reconnaître là les motifs exacts de cette situation ridicule.
    Un quinquennat avec une directrice particulièrement incompétente qui compense cela par le mensonge et le contrôle de tout et tous, ils se pratique une chose dans cet endroit c’est « l’’Omerta » et voilà ce que cela donne…
    Les Embruns s’en sortiront car son personnel est qualifié et aime son travail, l’ancienne directrice Madame Roche avait déjà sauvé le navire, elle fut vivement critiquée pour sa main de fer mais finalement ça fonctionnait et surtout avec les médecins les plus égocentriques.
    Il y’a beaucoup de choses encore à dire mais cessez de penser 20 ans en arrière et défendez les bonnes causes ..!
    Car comme vous l’avez dit trouver un médecin MPR est difficile et cela leur donne l’embarras du choix tandis que les autres salariés eux ne retrouveront pas un travail si facilement dans le contexte actuel et surtout dans cette région.
    Le réel problème est là et même si la bourgeoisie importée sur la cote basque est plus encline à faire grimper les prix de l’immobilier que défendre des causes sociales, on peut alors entrevoir les vrais enjeux en place
    Le pays basque est une région superbe mais elle perd son identité avec l’engouement qu’elle crée et isole les plus modestes …
    Émilie Ajar

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    1. Je comprends parfaitement votre réaction, mais je vous trouve bien sévère, Émilie. Défendre des personnes licenciées ou contraintes de partir, ce n’est pas être indifférent aux autres salariés, bien au contraire. Je n’ai cessé de souligner la qualité du personnel soignant et ce blog n’a cessé de souligner l’incompétence de la direction et du conseil d’administration. mais si vous préférez les compte-rendus à l’eau tiède des autres médias locaux, libre à vous.

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  3. Ouf!
    Tout vient à point…
    Mais quel gâchis! Comment ce Conseil d’Administration a pu laisser perdurer l’incompétence de cette Directrice toxique pendant 6ans. Et valider toutes l’ineptie de ses décisions.
    Et maintenant que les Prud’hommes vont s’emparer des dossiers des licenciements abusifs, Maintenant va se poser le problème des conséquences financières de toutes ces inepties…Et de leur réparation; peut être que ce Conseil d’Administration pourra évoquer la responsabilité personnelle de cette « Directrice » déchue et lui demander réparation ; à moins qu’il ne se sente lui même (ce Conseil d’Administration) coupable de complaisance vis à vis de celle qu’ils ont protégée -et qui a conduit les Embruns dans le mur- pendant 6ans.
    P. Saint-Jours
    Quel fiasco!
    J’espère que l’ensemble du personnel, héroïque dans cette affaire, saura relever ce nouveau défi et rendre aux Embruns ce que Madame LELEU s’est évertué à déconstruire; et que cette dernière repartira très vite, lorsqu’elle aura rendu des comptes…

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  4. Cette situation est honteuse. On parle de solidarité entre médecins, d’incompétence au niveau de la direction, mais il n’y a pas un mot au sujet des MALADES !!
    Les médecins se fichent du sort de ces malades, où est le serment d’Hippocrate ???
    Quel est le médecin qui se soucie des personnes qui ont été fichues à la porte du jour au lendemain sans aucune consigne ni aménagement ?
    Dans mon cas personnel, ma fille est en pleine dépression…
    Claudie Ithurralde

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  5. Tout mon soutien aux anciens collègues, de l’ASH au personnel soignant, aux rééducateurs, médecins , personnel administratif et tous ceux et celles qui dans l’ombre subissent ce passage très difficile.
    Patrick ( ancien brancardier).

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  6. Il ne faut pas oublier les patients, comme le dit Claudie Ithurralde. Patients qui sont soumis à tous ces aléas et parfois négligés par un médecin embauché (à l’essai) un peu trop vite pour combler les manques…
    Dans l’espoir, que cette situation trouve sa solution très vite, avec de bons médecins généralistes à l’écoute des patients et les MPR qui manquent (peut-être les anciens reviendront-ils ?) au plein épanouissement de cet établissement, dans un cadre idyllique moralement, où la majorité des soignants sont dans l’empathie de leur métier pour les patients.

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  7. Bonjour j’ai été médecin remplaçant lors de la période de crise exclusivement déclenchée par les méthodes invraisemblables de l’équipe administration de cet établissement L’ensemble des médecins remplaçants qui m’ont accompagné lors du naufrage ,ont été harcelés par l’ARS afin qu’ils renvoient les patients un peu n’importe où : nous n’avons pas cédé mais notre situation était absolument intenable des patient allaient avoir une « perte de chance
    certaine
    L’ordre des médecins du 64 a été averti mais je n’ai rien vu venir de sa part
    Salut a toute l’équipe extraordinaires d’un établissement non moins remarquable au sens propre et je pèse mes mots
    Claude PRIEU, Médecin polyvalent

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