Sébastien Ménard : « Ma vie d’avant, en cravate, à accepter plein de trucs, c’est fini ! »

Le nouveau président de l’Élan Béarnais a accepté de rencontrer RamDam et de se dévoiler. Un peu.

Il affirme ne rien connaître au rugby et n’a jamais entendu parler de Morgan Parra, l’ancien capitaine du XV de France. Pourtant la ressemblance physique et surtout caractérielle, très caractérielle, de Sébastien Ménard avec l’ancien joueur de Clermont que ses coéquipiers surnomment « La ronce », tant il a l’habitude de ne jamais lâcher l’affaire malgré son petit gabarit est évidente… et plutôt sympathique. Une chose est sûre, dans la cour d’école, Sébastien Ménard ne devait pas être le dernier côté baston. Comme j’adore cela moi aussi, nous commençons donc logiquement par une bonne peignée, pour cette première rencontre un dimanche matin à 8 heures au Royalty à Biarritz. 

Légèrement provocateur, histoire de savoir à qui j’ai affaire, je lui affirme que les membres de RamDam ont tous tendance à le prendre pour un faisan dans la reprise de l’Élan Béarnais. La réaction est au-delà de toute espérance. « Pendant dix ans, j’ai mis une cravate tous les matins et, comme j’étais salarié, j’ai fermé ma gueule. Mais c’est fini tout cela et le premier qui m’emmerde, je lui fais un procès. Ce qui va vous arriver d’ailleurs à Ramdam car vous avez écrit que Beautysané est une organisation pyramidale, ce qui est faux… De toutes façons, votre truc personne ne le lit. » Sauf lui, à l’évidence. Par association d’idées sans doute, la conversation dévie sur la presse de gauche, Mediapart, le Média, et La France Insoumise qu’il vomit, comme tout bon Marcheur. Je finis par apprendre que son père était un «  grand fan d’Arlette Laguiller », un traumatisme révolutionnaire visiblement durable pour le fiston.

Je propose qu’on arrête là l’entretien. Et puis comme deux joueurs de première ligne qui ont compris qu’aucun des deux ne reculera, nous décidons finalement d’échanger et tout devient beaucoup plus simple. « Flexion, liez, jeu ! », comme dirait l’arbitre au rugby…

« Un dingue de politique »

– Quand on détaille votre parcours, on est perplexe. Que ce soit politiquement ou professionnellement, soit vous êtes un magistral joueur de go, menant une partie que pour le moment vous seul maîtrisez, soit vous êtes quelqu’un qui ne cesse de changer de direction.

Je suis d’un milieu modeste. Nous vivions dans le Val d’Oise. Ma mère était employée de bureau et mon père facteur, comme je vous l’ai dit, très sensible aux thèses de Lutte Ouvrière. Je suis devenu un dingue de politique et, à vingt balais, je me suis rapproché de Jean-Pierre Chevènement. J’ai été un des premiers à gauche à dire avant 2002 que Lionel Jospin serait battu et que Jean-Marie Le Pen se retrouverait au deuxième tour. Convaincu que Chirac allait être obligé d’ouvrir le jeu, je me suis dirigé vers l’Union en Mouvement de Renaud Dutreil. C’était une école intellectuelle très intéressante. Ensuite j’ai été très fasciné par Nicolas Sarkozy. J’ai été attaché parlementaire au Sénat de Roger Karoutchi, puis son conseiller politique, chargé des affaires réservées, lorsqu’il a été chargé des Relations avec le Parlement. Lors des législatives de 2017, je souhaitais me présenter au Pays basque sous l’étiquette En marche, mais on sait qui tient le département (Soupir !). J’ai donc affronté Éric Coquerel en Seine-Saint-Denis et perdu de 600 voix ».

Chevènement, Chirac, Sarkozy, Macron… et à chaque fois l’amour fou. (Facebook de Sébastien Ménard)

Ce parcours peut sembler cohérent, mais comment vous retrouvez-vous à faire en 2020 la campagne électorale de Maïder Arostéguy, LR bon teint, alors que vous vous présentez comme un proche de Macron et un ami de Didier Guillaume et de Jean-Baptiste Lemoyne ?

Je suis très proche de Macron, tout le monde le sait. Et je reste fasciné par lui. Habitant Biarritz depuis 17 ans, je rencontre Maïder assez tôt et son énergie me plaît. Je suis vite convaincu que c’est elle que veulent les Biarrots. Au moment du G7, alors que Lemoyne et Guillaume se tâtaient pour y aller, j’ai dit à Macron : « Veunac est mort ! »  et je l’ai répété à Jean-Baptiste quand il a voulu prendre sa roue. Lemoyne, que je connais depuis 2002, n’existe pas à Biarritz. En ce qui concerne Didier Guillaume, j’étais dans la merde car j’adore le mec, mais je savais qu’il ne réussirait pas. Voilà comment je me suis retrouvé à être le seul Macroniste de la majorité. »

« La Pol pol, c’est fini »

– Nous avons vérifié les procès-verbaux des conseils municipaux et nous n’avons rien à vous reprocher côté présence. En revanche votre titre de conseiller municipal délégué à l’Innovation, à l’Attractivité, au Mécénat culturel et au Patrimoine est assez obscur et vous ne brillez pas pendant les conseils par vos interventions…

Stéphane Ménard respire un grand coup, comme pour évacuer un soupçon d’agacement : « Tout d’abord, je n’ai pas les moyens comme mes collègues de m’investir au quotidien sur Biarritz même si j’habite ici depuis dix-sept ans. Lorsque j’ai décidé que la Pol pol c’était fini (Entendez la « politique politicienne »), j’ai été obligé comme tout le monde de gagner ma vie. Ensuite l’Attractivité et l’Innovation ont été fracassés sur le mur du Covid. À Biarritz, on ne peut pas faire venir une multinationale, alors qu’on n’a pas de foncier. En revanche, monter un club des investisseurs pour vendre la destination Biarritz ou expliquer aux banquiers ce qu’est Le Palais et pourquoi ils doivent nous soutenir, ça c’est mon taf et il ne se voit pas.

Avant de parler de la reprise de l’Élan Béarnais, pouvez-vous évoquer  la société que vous dirigez ?

D’abord, je suis en colère contre vous parce que, contrairement à ce que vous avez écrit, Beautysané n’est pas un système de vente pyramidale, ce qui est interdit par la Loi. La vente à domicile en France a un PIB supérieur à celui de l’automobile, mais personne ne le sait. ( Vérification faite, l’affirmation semble totalement fausse) Nous fonctionnons exactement comme « Tupperware » en son temps et celui qui vend un de nos produits, qu’il ait une semaine ou trente ans d’ancienneté, touche exactement la même chose. Nous fabriquons une « alimentation augmentée » qui est très intéressante pour les sportifs mais aussi pour des malades qui ont du mal à s’alimenter. Nous avons un partenariat avec plusieurs champions olympiques et donc, fort logiquement, le propriétaire Sylvain Bonnet souhaite que nous devenions visibles dans le sport. Nous avons ainsi regardé du côté de l’Aviron, mais, comme vous avez pu le constater je ne connais rien au rugby, alors que je joue depuis mes six ans au basket et que j’avais un panier dans mon bureau au ministère.

« Élan Béarnais : je n’ai rien sauvé pour le moment »

– C’est curieux tout de même de voler au secours de l’Élan béarnais plutôt que du BO, en étant élu de Biarritz ?

– Mais non, les budgets ne sont pas du tout les mêmes. L’Élan Béarnais, c’est 5 millions d’euros. Quand Sébastien Bonnet a appris les difficultés de l’Élan Béarnais, connaissant ma passion pour le basket, il m’a dit : « Vas-y ! ». Je ne connaissais pas François Bayrou et, lorsque je me suis présenté à lui, je suis arrivé comme un des acteurs possibles du plan de sauvetage. C’est ensuite, suite à une série de défections, que je me suis retrouvé avec le premier rôle et le titre de président. Mais je n’ai rien sauvé pour le moment ».

Chevènement, Chirac, Sarkozy, Macron… et à chaque fois l’amour fou. (Facebook de Sébastien Ménard)

– Pouvez-vous nous dire combien votre société investit dans l’Élan Béarnais ?
Sans l’aide des pouvoirs publics, aucun plan de sauvetage n’était possible. Notre apport sera l’équivalent de celui d’un gros sponsor du club. Mais nous n’avons pas vocation à mettre 1 million d’euros chaque année. »

Pour la transparence totale, on repassera.

Jean-Yves VIOLLIER

(Facebook de Sébastien Ménard)

Un parcours particulièrement sinueux

Politiquement comme professionnellement, le moins que l’on puisse dire est que Sébastien Ménard n’est pas un adepte de la ligne droite.

Né en 1978 dans le Val d’Oise, Sébastien Ménard, après un court passage chez les Chevénementistes,  se fait élire en 2002 conseiller municipal à Groslay, gros village près de Sarcelles. Le jeune Sarkozyste collabore ensuite jusqu’en 2009 aux cabinets des ministres gaullistes Renaud Dutreil ou Roger Karoutchi.

On le retrouve ensuite devant les caméras, puisqu’il produit et anime une émission de télévision d’interviews de stars « En mode VIP » sur NRJ12 en 2010-2011. La société qu’il a fondée est ensuite fusionnée avec Mistral Groupe, en charge du développement international du concept « Intervilles », qui termine en vache de faillite en 2015.

Sébastien Ménard monte alors une société dans le Street art (refermée depuis).  et semble s’installer à Biarritz chez son épouse austro-hongroise. L’enfant du bourgeois 95 rebondit alors à la Chambre des métiers du populaire 93, par des réseaux que l’on ignore. Or la CMA 93 est présidée par Patrick Toulmet, qui accueille en 2016 dans son CFA … la déclaration officielle de candidature d’un certain Emmanuel Macron !

Sébastien a retrouvé le sillage du pouvoir, s’implique dans En Marche (on l’aperçoit dans des réunions jusqu’à Biarritz), et reçoit même en 2017 l’investiture officielle pour une circonscription du 93, où il s’incline de 600 voix derrière Éric Coquerel.

Un pied dans la porte de l’Élysée (on peut le trouver en photo aux côtés d’Emmanuel Macron et d’Alexandre Benalla, même s’il affirme mal connaître le second), notre polymathe finit par entrer chez Qwant, la startup présentée comme le Google français.

Or la société semble plus proche de la pompe à finances publiques (20 M€ de la Caisse des Dépôts) que du succès technologique mondial. Le génie du capitalisme à la française ! Sébastien y est en charge des « affaires publiques », en bon français le lobbying avec le pouvoir (macroniste).

En parallèle à Biarritz, et tout en chroniquant à France Soir, Ménard réussit en 2020 à se faire élire dans le conseil municipal de Maïder Arosteguy, gagnant les curieux galons de « conseiller […] au mécénat culturel » : la promesse de millions de roubles d’oligarques ? Car même à en En Marche on le taquine sur sa russophilie.

Jusqu’à cet enchaînement de 2021-2022 : tout en quittant Qwant, et s’affirmant sur sa page Facebook  membre du  board de Planet sushi, Sébastien Ménard arrive à la tête de l’étrange « Eat4good  », société basée à Metz et qui souhaite aujourd’hui rebondir dans le basket palois.

A suivre !

Argi LUTZ

2 commentaires

  1. Un grand merci pour cet article, bien plus intéressant que tout ce que j’avais lu jusqu’à maintenant. Question bête : l’abandon assumé de la cravate implique d’avoir la braguette ouverte?

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    1. Monsieur Hiriburu,

      Merci pour ce gentil commentaire. J’ ai eu un peu de mal à comprendre votre deuxième phrase et le lien entre cravate et braguette.. avant d’éclater de rire en détaillant la photo dont je suis l’auteur. Effectivement, un détail m’avait échappé.
      Pour la petite histoire, Sébastien Ménard s’ est montré très soucieux de son image et a refusé que je le prenne en photo pendant l’entretien. À la fin, il s’ est redressé, a enfilé ses lunettes et a accepté une photo.
      C’ était bien la peine…
      Bien amicalement.
      JYV

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