En ces temps moroses d’entre deux fêtes durant lesquels, tel un surfeur scrutant l’horizon nous attendons la prochaine vague, RamDam a décidé d’égayer la trêve des confiseurs par un »conte de faits » pour adultes avertis.
Cette histoire pernicieuse est consécutive à une bouffée délirante provoquée par les effets pervers d’une injection d’un vaccin artisanal du laboratoire » Irrintzina Bio Tech » Ce vaccin révolutionnaire a été élaboré à partir d’extraits de foie gras au torchon, de Patxaran et d’ Iroulégine. Il aurait selon les premiers essais cliniques la capacité de vous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Précautions importantes
Vu la violence du scénario, nous conseillons à toute personne sensible ou atteinte de syndrome dépressif de ne lire qu’une ligne sur deux avec un apaisant fond musical de Richard Clayderman. Pour ce qui concerne les enfants, ils ne doivent absolument pas tenter de reproduire les figures acrobatiques décrites que seuls des élus aguerris et entraînés peuvent réaliser sans danger .
L’intrigue
Elle se situe dans un charmant village basque que nous pourrions dénommer Ar-gang ce qui signifie »là où il fait bon de faire des affaires » . Un village connu pour sa lignée de marquis et pour la dernière demeure d’un célébrissime chanteur d’opérettes. Personnage central de notre histoire, le maire de cette bourgade prisée du gotha, Filou Harrypotteria, alchimiste à ses heures perdues, qui d’un coup de baguette magique a le pouvoir de transformer la bonne terre agricole en béton rémunérateur. Harrypotteria récemment réélu est une icône parmi les maires du Pays Basque. Pensez donc, il a à son actif deux projets de PLU refusés par l’administration, ce qui fait que l’urbanisation de sa commune est toujours sous le régime du POS datant de 2001.
Second personnage Javier de la Plancha fortuné entrepreneur espagnol qui pour entreposer des œuvres d’art s’est porté en 2014 acquéreur du domaine de Gaztelur qui comprend une ferme du XVe siècle plantée en rase campagne au milieu d’un parc de 2,5 hectares.

Troisième figurant dans ce tableau vivant, l’unique voisin de ce domaine qui lui fera figure de victime collatérale en subissant les affres d’une opération rocambolesque.
C’est fin 2014 que démarre la machine infernale alimentée de concert par l’hidalgo et le maire du village. À partir de là on croit rêver, ce qui n’a rien d’anormal dans un conte .
– Alors que les travaux ont déjà commencés depuis 2 mois , un premier permis de construire est accordé pour rénovation de la ferme, création d’un restaurant de 38 couverts et construction attenante d’une pergola en bois ouverte de 88 m2 .
– Mars 2016 : alors que la dalle est coulée depuis déjà 10 mois, un permis de construire une serre de 200 m2 est accordé dans le cadre d’une activité agricole sensée être exercée par un homme de paille, horticulteur.
– Novembre 2017 : demande d’utilisation de la véranda de 88 m2 (qui s’est substituée à la pergola initiale autorisée) pour une extension du restaurant permettant de tripler sa capacité d’accueil
– Mars 2018 : suite à un avis défavorable de la police de l’eau pour cause de non conformité des rejets d’eaux usées dans le fossé communal, la mairie se voit contrainte de refuser la demande d’extension du restaurant et de la construction d’un assainissement non collectif.
– Mai 2019 : renouvellement de la demande d’extension pour un rejet des eaux usées cette fois non plus dans le fossé mais dans le ruisseau. Le maire ne répondant pas dans les délais à cette nouvelle sollicitation les modifications sont considérées comme acceptées.
– Même stratagème d’absence de réponse du maire pour une demande de changement de destination de la serre agricole en local commercial. Il s’agit en l’occurrence d’en faire un lieu d’accueil événementiel haut de gamme d’une capacité de 400 invités.
– Un mois plus tard l’homme de paille ayant servi de caution à la construction de la serre agricole se radie du statut d’agriculteur. Ainsi la boucle est bouclée pour ce miraculeux détournement d’usage permettant la construction d’un local commercial sur des terres classées agricoles, donc inconstructibles pour d’autres fonctions.

Alors quelle sera la prochaine étape, la construction d’un héliport pour les clients huppés de Gaztelur ?
En effet de la part d’un maire qui au risque de torticolis chroniques détourne pudiquement la tête face aux demandes de permis de construire litigieuses l’on peut s’attendre à tout. Certains malfaisants ayant évoqué des passes-droits, notre maire a pris soin de préempter un stock de »boules Quiés », attitude avouons le, plus élégante qu’un vulgaire bras d’honneur.
Mais tout ce manège n’est pas sans conséquence. Outre les nuisances sonores que subit l’unique voisin de ces fêtes à Neuneu répétitives, celui-ci constate de sérieuses atteintes à l’environnement naturel du site. En effet lorsque l’on n’est pas connecté au tout à l’égout, passer d’une capacité 38 à plus de 500 convives nécessite logiquement un tout autre dispositif de traitement des eaux usées. Pendant des années les rejets se sont effectuées en toute illégalité dans le fossé en bordure du chemin communal, qui 150 m plus loin se déverse dans le petit ruisseau Argelous, qui lui même se jette dans la rivière Uhabia.

Du coup un nouveau permis de construire pour édifier une installation de traitement des eaux usées a été accordé au propriétaire et pour en finir, en juin 2020 le maire a signé un arrêté autorisant le rejet dans le modeste ruisseau Argelous des eaux usées sensées avoir été assainies .
A ce sujet on peut tout de même s’interroger sur le volume important (12 000 l/jour) des rejets prévus dans un ruisseau dont le faible débit ne permet même pas d’immerger la canalisation d’évacuation . Mais fort de cette dernière autorisation le domaine Gaztelur, ambassadeur du luxe au Pays Basque va pouvoir continuer à parader dans les magazines en papier glacé, l’horreur est sauve.
Epilogue (qui pour le coup relève de la plus pure fiction)
Par la faute d’un malencontreux confinement les fiestas programmées par le directeur artistique du lieu n’ont pu se dérouler pendant un an et le riche investisseur espagnol a donc en contrepartie été éligible à quelques subsides de la part de l’état français.
Ce pactole lui a permis de s’acheter une bonne grosse pelle mécanique pour raser sa paillote agricole de 200 m2 et de ne conserver que son petit boui-boui étoilé que nous lui conseillons de baptiser »Le Ratelier ». Tout ceci à la grande satisfaction de son proche voisin qui à force de dénoncer cette présumée collusion aura dépensé beaucoup d’énergie dans cette lutte du pot de glaise contre le pot de vin . Enfin le retour dans cette zone naturelle au respect d’une biodiversité bien malmenée pendant des années pourra être attribué à la magie de Noël.
Çà c’est la version »happy end » sortie d’un esprit taquin, mais la réalité est moins rose car dans la vraie vie il peut en être tout autrement. Si Gaztelur est passé entre les mailles du filet de l’état de droit, d’autres n’ont pas eu autant de chance, comme le démontre la récente décision de la Cour de cassation qui confirme qu’à Grasse le »Palais Ditter » d’une valeur de 57 millions d’euros devra être détruit. Cette modeste bastide de 200 m2 s’était transformé en palais de 3 000 m2 loué pour des grands événements dont des mariages, le tout sans autorisation.

Dominique LAPIERRE
Merci pour ce « conte de faits ».
A savoir que le maire a toujours refusé toute construction sur cette zone de Gaztelhur, même pour un couple habitant déjà sur la commune comme moi, car il est strictement interdit de construire si pas de connexion au tout à l’égout. C’est la normalité de nos jours. Et la règle est la même pour tout le monde, m’a t-il également souligné à l’époque (2017). Mais lorsqu’un très riche investisseur demande pour un établissement accueillant l’équivalent de 80 habitants sur la même zone, là la connexion au tout à l’égout ne devient plus impérative pour cette personne, et on trouve des solutions..
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Le pognon pourrissant l’âme…
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