L’État tord le bras à l’Agglo qui râle mais se laisse faire

Beaucoup de belles paroles au conseil communautaire pour déplorer l’obligation imposée par l’État de créer une Zone à Faibles Émissions sur le littoral. Mais au final, un vote qui adopte la délibération.


Voir Guillaume Barucq s’indigner en plein conseil communautaire contre une mesure censée préserver la planète est à peu près aussi fréquent que de croiser un vol de pélicans au dessus de la grande plage de Biarritz. Personne n’a envie que la pollution de l’air s’aggrave, mais l’obligation de créer une Zone à Faibles Émissions (ZFE) dans 11 communes littorales du Pays basque à partir du 1er juin 2025 relève d’une « farce d’État » qui mérite d’être contée.

La Loi Climat et Résilience n° 2021-1104 du 22 août 2021 fait obligation aux collectivités de plus de 150 000 habitants de mettre en place une zone à circulation contrôlée sur leur territoire. Les villes basques qui sont beaucoup plus petites et moins concernées par la pollution avec les vents d’Ouest dominants, auraient dû échapper à ces mesures qui ont pour effet de pénaliser les plus pauvres, ceux qui ont des véhicules d’avant 1997 et n’ont pas les moyens d’en acquérir un nouveau. Sauf que l’État a estimé que l’Agglo dépassait largement le nombre d’habitants fixé et qu’elle était concernée.

Comment ne pas donner raison à Guillaume Barucq quand il constate que « L’État nous oblige à prendre le problème du mauvais côté » ? Qui pollue le plus en effet ? Le propriétaire d’un gros SUV qui roule tous les jours, la conscience tranquille,aa avec son véhicule aux normes et part en vacances en avion pour des destinations lointaines à l’autre bout de la planète ou le travailleur pauvre, déjà chassé du littoral par le prix de l’immobilier, et qui a à peine de quoi mettre de l’essence dans son véhicule et se limite strictement à son trajet maison-boulot ? Une fois de plus l’État a inventé une loi discriminatoire qui épargne les riches et frappe de plein fouet les précaires. Ce que Guillaume Barucq constate : « Ce type de mesure va encore une fois pénaliser les plus pauvres et le fait de rajouter ainsi X contraintes va rebuter les citoyens ». Révolté par cette écologie punitive, l’élu biarrot annonce qu’il votera contre cette décision. Ce qui a le mérite d’être cohérent avec le propos tenu.

Philippe Aramendi, le maire d’Urrugne, se montre tout aussi sévère : « L’État envoie les collectivités territoriales que nous sommes au front pour expliquer aux citoyens les absurdités des textes qu’il promulgue. L’État est incohérent. » Surprise, Philippe Aramendi reconnaît que cette mesure est « difficile à expliquer aux citoyens mais on se doit de voter ce texte et être cohérents ». Comprenne qui pourra.

Tout ça pour s’abstenir !

Claude Olive, le maire d’Anglet, illustre à merveille la façon de voir les problèmes écologiques par le petit bout de la lorgnette de l’État : « On sait parfaitement que c’est une loi qui nous est imposée. Je suis maire d’une commune avec l’autoroute d’un côté, l’aéroport au milieu et le port industriel à côté. L’incohérence de l’État, aujourd’hui, c’est quoi ? On ne regarde pas ce qui se passe sur l’autoroute, l’aéroport et le port ». Et on fait payer toute cette pollution induite par l’activité industrielle au malheureux travailleur qui risque de perdre son emploi avec cette mesure. Le maire d’Anglet devient encore plus concret : «  Sur le port, il y a trois laminoirs à chaux. Un laminoir produit trente mille tonnes de CO2 par an. Ils ne rendent des comptes à personne. Je veux bien qu’on vienne se préoccuper tout d’un coup de la santé publique. On s’est préoccupé de ça jusqu’à maintenant ? La réponse est non. Quand je vois tout ça, je me dis on ne se moque pas un peu de nous ? » Surprise, Claude Olive, après un réquisitoire aussi accablant, annonce qu’il va être « cohérent » et s’abstenir de voter, ce qui relève d’une cohérence pour le moins discutable.

Conférence de presse de La France Insoumise donnée le 21 février, place de la Liberté à Bayonne. Au centre, l’élue angloy, Sandra Pereira-Ostanel.

Au final, alors que La France Insoumise est pour le moment dans notre région le seul parti à s’être élevé collectivement contre cette mesure scandaleusement injuste, les élus communautaires ont voté pour à 96 voix, contre à 47 et ils ont été 64 à s’abstenir, permettant ainsi à cette délibération d’être adoptée.

Une fois de plus le citoyen a eu le sentiment d’entendre de beaux discours non suivis d’effets. L’Agglomération de Montpellier, pourtant autrement plus polluée que la Côte basque, vient de le faire, repoussant la création d’une Zone à Faible Émission à 2027. Tandis que nos élus locaux, à quelques courageuses exceptions près, se sont contentés de platement accepter l’inacceptable, transformant ainsi de fait la Côte basque en Zone à Fortes Exclusions, pour reprendre une expression de LFI, et oubliant que c’est un devoir quand on est élu de s’élever contre les injustices et de défendre ceux qui en ont le plus besoin.

Jean-Yves VIOLLIER

Pour mieux comprendre : le conseil communautaire dans son intégralité (Le débat concernant les ZFE débute à la minute 46 et se termine à 1h53 ».)

L’explication écrite sur les ZFE publiée par la CAPB :

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