Les « Doublons » de la CAPB ne valent pas cher

Question budget, les élus locaux se désespèrent du radinisme de l’État. Pour sûr, quand le gouvernement se décharge de certaines de ses compétences sur les instances territoriales cela lui permet d’affirmer qu’il n’augmente pas les impôts mais que ce sont les collectivités qui, elles, ne savent pas gérer. C’est un discours fallacieux, mais est-ce si faux ? N’y a-t-il pas un peu de ménage à faire chez nous ?

Un état des lieux pas saints

Quand la CAPB a été créée, suite à la loi NOTRe, le préfet, compilant à la louche le budget des communes concernées, estimait son budget 2016 à -tenez-vous bien- 100 millions. Plus qu’une louche, c’était une vraie passoire, car dès 2018 le budget voté s’élevait à 550 millions (  aujourd’hui 650 ! )

Nos élus n’ont pas résisté à « Plus gros, plus fort, et plus tu seras chef » et ont largement ignoré les buts de la loi NOTRe. Petit résumé :

Economie d’échelle ou multiplication des sièges ?

Les Conseils Départementaux qui devaient disparaître sont toujours là. Celui des Pyrénées-Atlantiques affiche un budget de 1 milliard (988 millions exactement) et emploie 2500 salariés. Quant à l’Agglo, les embauches n’ont fait que grossir, 1300 agents à ce jour. pourtant:

Les Communautés de Communes devaient être absorbées par la CAPB. Elles ont été remplacées, par les « pôles ».

Qu’a amené cette « déconcentration du pouvoir », ces « maisons du peuples », « courroies de transmissions « de la CAPB ?

Quant aux municipalités, déchargées de bien de compétences transférées à la CAPB, la loi NOTRe imposait la délocalisation des personnels concernés et donc leurs personnels et budgets auraient dû baisser.

Nous avons posé la question à une commune, prise au hasard, dont le nombre d’agents allait croissant. Elle répondit honnêtement : « L’entrée de la commune dans la Communauté de communes en 2006 n’a pas entrainé de transfert de personnel, bien que des compétences aient été transférées, mais ces compétences étaient déjà gérées par délégation (DSP ou syndicats intercommunaux) » Donc, la patate chaude passe à la CAPB ? De telles délégations devaient s’accompagner de facturation, non ? ou la CAPB, bonne fille, faisait ça à l’œil ? Bref, tout est flou. D’abord, qui paye quoi ? Ensuite, comme nous ne pensons pas que les agents municipaux se roulent les pouces, la question se pose : qui fait quoi ?  On est loin de la fameuse « mutualisation »sensée faire des « économies d’échelle »

La loi oblige les maires à l’établissement d’un rapport de mutualisation en trois parties pour le présenter à la coordination de la CAPB :

  • Le diagnostic des mutualisations existantes et les états consolidés du personnel ;
  • Le plan pluriannuel de mutualisation
  • Les autres formes de mutualisation

Est-ce fait ? En tout cas, la Cour des Comptes (ref 1) n’a pas été épatée. Parlant des « pôles » sensés « participer au développement des coopérations et mutualisations de moyens entre les communes de leur périmètre et la CAPB », leurs activités « ne se sont pas accompagnées d’une réflexion sur les mutualisations » Et de toute façon, savoir ce que font les pôles , « canal complémentaire de remontées des attentes des habitants et du territoire … en l’absence de Compte Rendu, Il n’est donc pas aisé de retracer leurs contributions »

Pourtant, (toujours cité par la Cour des Comptes), « la CAPB souhaitait engager en 2022 son schéma de mutualisation en s’appuyant sur les pôles territoriaux ». Il était temps. Peut-on en connaitre les progrès ?

Bref, peut-être plusieurs pôles occupent des salariés à faire la même chose, comment le savoir ?   Mais comment l’exclure de nos esprits ?

La recette des triples à la basquaise

Un exemple pour celui qui ne me croirait pas.

À leur création, je m’étais intéressé à la justification de l’utilité des « pôles » . Je lis alors, (Sud-Ouest du 6 octobre 2020) une déclaration de monsieur Anthony Bleuze ( Conseiller du président Jean René Etchegaray)   : « à la différence d’autres pôles, il ( le pôle côte basque Adour) est formé de communes qui disposent d’une capacité d’ingénierie pour élaborer les dossiers ».

Très bien, sauf que la CAPB disposait déjà sous la houlette de madame Mialocq de l’offre d’un « Volet ingénierie, bureau d’études pour aider les petites communes qui n’en ont pas les moyens. »

Mieux, en 2018, c’est à dire deux ans auparavant, le Conseil Général proposait l’offre «  d’assistance gratuite d’ingénierie que vient de mettre en place le Département va leur permettre [aux petites communes] de mener leurs projets d’aménagement avec l’éclairage technique qui pouvait jusqu’ici leur faire défaut » . Ce n’est plus un doublon, mais un triplon !

À l’époque j’avais appelé les uns et les autres ; tous étaient ignorants de l’activité de leur homologue et m’ont même demandé le fascicule que j’avais obtenu du département. Cela les a-t-il fait réagir ? Prions le seigneur.

Je n’ai pas poursuivi mon désir de déceler d’autres exemples, non seulement parce que je ne veux pas me déprimer, mais partager ma curiosité avec les élus, ça va peut-être les faire réfléchir, mais m’attirer leurs rancunes, c’est sûr.

Audit-e moi tout

Lors de la création de la CAPB, le préfet rappelait les dérives passées lors des précédents regroupements en Communautés de Communes : « Au total, on peut constater : une superposition des niveaux de coopération intercommunale ;  des conflits de compétences ; – une productivité affectée ; – des économies d’échelle non réalisées.« 

Est-ce que ce tableau a changé depuis 2016 ? Ne serait-ce pas une bonne idée que cette immense CAPB, en toute humilité, demande un audit de son fonctionnement, que l’on nous montre les efforts faits pour éviter que ses salariés fassent trois fois la même chose ou le fasse chacun seul, de son côté, quand les citoyens voient les services publics disparaître sous prétexte d’économie, de manque d’argent ou d’agents.

Michel GELLATO

  1. https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/NAR2022-015.pdf

3 commentaires

  1. Je souscrit totalement aux interrogations indignées de Michel.

    Il aurait pu aussi évoquer la gestion du tourisme, activité essentielle de notre région….Jusqu’en 1992, les Pyrénées Atlantiques disposait de deux entités distinctes: l’Agence Touristique du Pays Basque et l’Agence Touristique du Béarn financées par le Conseil Général des Pyrénées Atlantiques. Une organisation unique dans l’Hexagone, outre l’Alsace. Et puis Jean Lassalle est arrivé et a décidé de réunir les deux entités dans le Comité Départemental des Pyrénées Atlantiques. J’ai eu beau lui expliquer que cette appellation, tout comme les Bouches du Rhone, était d’ordre administrative et que ce qui attirait les visiteurs était, soit le Pays Basque, soit le Béarn-Pyrénées. Mais pendant plus de 20 ans on a dépensé des fortunes en communication pour accrocher les wagons béarnais au train basque à l’image du Petit Train de la Rhune qui finance les remontées mécaniques des stations de ski béarnaise !

    Et puis est arrivée l’Agglo Pays Basque qui a fini par créer son propre Office de Tourisme, et donc de nouveaux fonctionnaires, et qui regroupe les bureaux de tourisme des communes basques…sauf Anglet, Biarritz, Bidart, Hendaye et Cambo qui, elles, ont gardé leur autonomie…tout en étant rattachées au Comité Départemental.
    Un éparpillement qui déroute nos voisins basques d’Outre-Bidassoa avec les quels nous aurions tout intérêt à travailler sur une vraie destination Pays Basque au lieu de revendiquer chacun de son côté cette appellation d’origine non-controlée. Mais eux non plus ne sont pas en reste de doublons entre le Gouvernement d’Euskadi ou de Navarre, les deputaciones et les villes…

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    1. Merci Philippe pour ce nouvel exemple de doublons, triplons quadriplon-plon-plon.
      Seule remarque : mon interrogation n’est pas indignée, mais désabusée car quelle que soit la volonté de nos élus pour rectifier tout ça, je dirai, paraphrasant Einstein « demander à réparer un problème à ceux qui l’ont créé, c’est perdu d’avance »
      Cordialement
      Michel

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  2. A la question des compétences et des superpositions d’entités, il reste la question du périmètre d’intervention de la CAPB au regard des nouveaux enjeux que représentent les territorialités comme la question des mobilités avec la nécessité d’harmoniser le Scott à l’échelon basco-landais @segurdelenvironnement.fr

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