Les procès opposant à Bayonne le maire d’Anglet à un journaliste, et à Mont-de-Marsan RamDam 64-40 au maire de Benquet, nous ont laissés quelque peu perplexes.
Depuis trois siècles des affrontements se produisent souvent entre élus et journalistes, signe de vitalité pour la démocratie. Seule évolution notable, l’épée et le pistolet pour un duel au premier sang qui avait un certain panache, ont été remplacés par des batailles de chiffonniers dans des tribunaux qui ont pourtant mieux à faire.
Par un curieux hasard de calendrier, deux affaires opposant des élus à des journalistes se tenaient le même jour à la même heure au tribunal de Bayonne et de Mont-de-Marsan.
À Bayonne, Claude Olive est venu demander un euro de dommage et intérêts au journaliste Alain Krausz qui avait écrit « Vous êtes incompétent, et impuissant… et trop con pour résoudre un problème que vous avez causé ». Le journaliste a reconnu des « propos inadaptés » mais l’histoire mérite d’être détaillée. Même si nous avons tenté de prévenir les pouvoirs publics par un article, nous éprouvons un certain remords à RamDam de ne pas avoir alerté les services sociaux sur l’état de détresse absolue dans lequel se trouvait Alain Krausz au moment de ses écrits.
Une grosse engueulade aurait suffi
Fin août, le journaliste d’Anglet nous appelle en total désespoir : « Aidez-moi, je vais crever ». Nous nous rendons dans l’immeuble Le Sextant puis dans son logement géré par l’Office 64 et découvrons l’impensable : une eau froide à… 36 degrés et une canicule tropicale dans les appartements traversés par des tuyaux d’eau chaude avoisinant les 60 degrés. C’est facile de garder son calme quand on occupe un bureau douillet et climatisé, un peu moins quand on ne peut plus dormir pendant des semaines et qu’on n’a même plus accès à ce bien élémentaire qu’est l’eau froide.
Bien sûr, on ne doit pas traiter un élu de « con », mais quand on sait que ces trois lettres, servent quasiment de ponctuation à tous les propos dans le Sud-ouest, un peu de compréhension aurait dû s’imposer. On a connu un Claude Olive meilleur communicant pendant son premier mandat et à notre sens toute cette pantalonnade aurait dû se terminer dans le bureau du maire par une grosse engueulade et une poignée de mains.
Au lieu de cela, Alain Krausz a été condamné à un euro de dommages et intérêts mais surtout à cinq mois de prison avec sursis pour cet outrage par échange privé, ce qui nous semble totalement disproportionné. Contacté par téléphone Alain Krausz, qui a autre chose à faire que de dépenser de l’argent en procédures, a décidé de ne pas faire appel.
Une enquête sérieuse comme la suite l’a prouvé
Même perplexité sur les bancs du tribunal de Mont-de-Marsan, où des membres de notre association sont venus soutenir deux des fondateurs de RamDam 64-40, Dominique Lapierre et Jean-Yves Viollier, appelés à comparaître le 19 novembre pour diffamation à l’égard du maire de Benquet Pierre Mallet. Bien entendu, nous ne sommes pas neutres dans cette procédure qui concerne notre association et nous ferons donc preuve de la plus grande prudence dans ce compte-rendu en nous contentant des éléments factuels.
Comme souvent dans les procès pour diffamation, Maître Stanley Claisse pour la partie civile s’en donne à cœur joie avec les approximations. Les deux prévenus se seraient « cachés » pour salir le maire de Benquet, pour preuve un article non-signé et la difficulté à trouver le directeur de publication de l’époque, et n’auraient pas « mené une enquête sérieuse » n’ayant même pas contacté le maire, par ailleurs vice-président de l’Agglo et conseiller départemental au moment des faits.
Jean-Yves Viollier, directeur de la publication à l’époque, rappelle que tous les articles sont signés à l’exception des échos de quatre lignes comme celui qui nous est reproché et que nous avons tenté par deux fois de joindre la maire de Benquet sans pouvoir aller plus loin que la secrétaire de mairie. Quant au nom du directeur de la publication, il a toujours figuré dans le premier article publié sur le blog situé dans l’onglet « À propos ». Dominique Lapierre, auteur de article validé ensuite collectivement, démontre une connaissance impressionnante de l’enquête qu’il a conduite et s’amuse que « la vague maladresse commise par le maire de Benquet » selon les termes de son avocat (Il avait participé à un vote le concernant directement pour un classement de ses terrains en agrivoltaïque ce qui lui permet d’assurer pour sa ferme 30 000 euros de revenus annuels pendant quarante ans.) devienne dans les faits une condamnation pour prise illégale d’intérêt à 10 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Condamnation dont Pierre Mallet a fait appel. Dominique Lapierre s’étonne aussi de trouver dans la procédure des compte rendus de conseils municipaux, accessibles au grand public, différents de ceux envoyés à la préfecture. Cela s’appelle des faux en écriture publique mais cette affirmation ne semble émouvoir personne.
Pierre Mallet a perdu tout seul l’élection
Vient ensuite la partie la plus surréaliste de l’audience. Monsieur Mallet est un « petit maire » qui se dévoue pour sa commune comme il l’explique sur tous les tons. Il est donc assez normal qu’il ait pu se tromper de « bonne foi ». Sauf qu’il dirige Benquet depuis 23 ans, a été vice-président de l’Agglo en charge du PLUI, conseiller départemental. La fable du « petit maire » a du mal à être crédible. RamDam est face à un élu chevronné.

Illustrations Wikipedia sur le duel.
Alors que Dominique Lapierre et Jean-Yves Viollier, affirment n’avoir aucune animosité personnelle contre Pierre Mallet, puisqu’ils ne le connaissaient pas au moment de la parution du premier article le 9 février 2021, maître Stanley Claisse soutient que Pierre Mallet a perdu les élections départementales à cause de RamDam. Curieuse logique qui voudrait que les journalistes soient responsables des défaites des élus. Est-ce que Valérie Pécresse ou Anne Hidalgo ont imputé leur échec lors de la dernière présidentielle au « Monde » ou à « Libération » ? Si l’on suit le raisonnement de la partie civile, il n’y a plus d’informations possibles. De la même façon, alors que l’enquête a démontré que RamDam n’était absolument pour rien dans la distribution de tracts consécutive à la publication de nos articles (Pour mémoire le procureur s’est auto-saisi pour conduire Pierre Mallet devant le tribunal correctionnel), maître Stanley Claisse s’efforçant d’entretenir le feu avec le maigre matériel dont il dispose cherche à faire croire à la participation de notre association.
Petit maire mais gros appétit
Reste le plus consternant. Naïvement, nous pensions à RamDam que l’honneur n’était pas monnayable ou tout au plus pour un euro symbolique, et qu’une indemnité d’élu n’avait rien à voir avec un salaire, mais le « petit maire » de Benquet s’avère doté d’un redoutable appétit lorsqu’il s’agit d’espèces sonnantes et trébuchantes. Au titre de la « perte de chance » (Oui, vous avez bien lu!) Pierre Mallet fait le décompte des indemnités qu’il aurait perçues s’il avait été réélu et réclame 63 000 euros à RamDam.
Dans la salle, alors que nous avons l’impression d’écouter la requête d’un cadre supérieur se retournant contre son employeur, un quidam que nous n’avons pu identifier s’étonne à mi-voix : « On assiste à un procès en diffamation ou à une séance du tribunal de prud’hommes ? ».
Tandis que le ministère public ne voit rien à rajouter et « s’en remet à la sagesse de la Cour pour le jugement », maître Loïka Pariès pour RamDam 64-40 va démonter avec brio et pugnacité tout ce qui a été dit par la partie adverse et prouver que nous sommes face à une procédure abusive.
Les deux prévenus étaient « totalement dans leur rôle en écrivant sur Benquet ». Seul l’intérêt général et la dénonciation de faits contraires à la Loi les préoccupaient puisqu’ils ne connaissaient pas le maire de Benquet et que la suite a prouvé que ce qu’ils écrivaient était vrai. Pour Loïka Pariès, « Il ne peut donc y avoir diffamation et le tribunal ne peut donner suite aux demandes de Pierre Mallet. »
Verdict le 14 janvier.
Dominique de La MENSBRUGE, Président de RamDam 64-40
Une curieuse répartition du temps de parole
Alors que l’audience était initialement prévue pour durer trois heures, elle a dépassé les quatre heures. Après les questions d’usage posées par la Cour aux deux prévenus et au plaignant, maître Stanley Claisse s’est lancé dans une interminable plaidoirie en prenant le pari que les magistrats seraient sensibles à cette accumulation de griefs pour le moins discutables. Il était 17 heures lorsque l’avocat toulousain a repris son souffle. Et tout de suite, les magistrats ont demandé à nos deux collègues de RamDam de faire court dans leurs explications. Parce qu’ils étaient convaincus de leur innocence ? Réponse mi janvier.
Honte à Olive, mais nullement étonné de ce comportement de calife.
Le syndrome d’Hubris (ou syndrome d’hybris) est une notion psychologique et sociologique qui désigne un comportement caractérisé par un excès de confiance en soi, une arrogance démesurée et une perte de contact avec la réalité. Ce syndrome est souvent associé aux hommes et femmes de pouvoir, notamment les politiques, en raison de la position d’autorité qu’ils occupent et des privilèges qui y sont associés.
J’aimeJ’aime