Artificialiser ou verticaliser, la grande question

Alors que le Pays basque connaît une crise du logement avec l’arrivée de nouveaux habitants, les chiffres gouvernementaux nous montrent que les élus locaux sont vigilants sur le sujet, même si leur marge de manœuvre est étroite.


La récente enquête publique sur la construction à Biarritz de 300 logements sur le plateau d’Aguilera a été une fois de plus l’occasion de vérifier une règle immuable : tout le monde est pour la construction de logements sociaux… à condition que ce ne soit pas à côté de chez soi. Et les immeubles à quatre ou six étages ne gênent personne… tant qu’ils ne sont pas sous vos fenêtres. Pour tenter d’y voir un peu plus clair, nous nous sommes donc penchés sur les données publiques mises à disposition des citoyens. Rien de mieux que des graphiques pour comprendre l’actuelle pression immobilière sur la Côte basque.

Une pression démographique importante sur la côte Atlantique

Sur la carte de France, les zones en violet sont celles traduisant une forte augmentation de la population avec pour conséquence une forte artificialisation des sols. Le Sud Ouest et les Pays de Loire sont devenus des régions très convoitées, avec les conséquences que l’on connaît pour les terres cultivables.

Mais peut-être est-il prudent de commencer par bien définir ce qu’est l’artificialisation des sols. Les maires qui délivrent des permis de construire sur des terrains qui étaient anciennement cultivables ne sont pas les seuls responsables du « grignotage » subi par le Pays basque comme par nombre de régions de France. Les routes mais aussi les chemins de fer provoquent de l’artificialisation. On le constate par exemple avec les éléments en rouge de cette carte qui correspondent à une forte artificialisation dans une zone où la population est déclinante, ce qui est le cas de la Charente, impactée par la construction de la LGV.

Par ailleurs, cette carte est trompeuse car elle correspond à une radioscopie du pays début 2020, c’est à dire juste avant la pandémie et le développement du télé-travail qui ont entraîné un certain nombre de migrations de la population (Les chiffres officiels seront disponibles l’an prochain pour l’année 2021). Il y a donc fort à parier que la prochaine carte que nous publierons, traduira une nette aggravation de la situation.

Un lien évident entre artificialisation, démographie et emploi

Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons donc décidé de regrouper plusieurs données pour les principales villes des Pyrénées-Atlantiques : l’artificialisation des sols, mais aussi la démographie avec l’arrivée de nouveaux habitants demandeurs de logement et la création d’emplois, même si cette donnée est à manier avec précaution, car on peut très bien travailler dans une ville et résider dans une autre. Le tableau que vous avez sous les yeux montre une utilisation plutôt prudente des sols disponibles, même si le grignotage de l’existant est toujours dommageable. Entre 2013 et 2019, seule la ville de Pau est à moins de 1 % d’artificialisation supplémentaire des sols, choix qui a dû être facilité par une faible demande en logements puisque la ville a vu sa population baisser de 2,58%. Bayonne, avec une population en hausse de 9,33% réussit à contenir la poussée démographique en artificialisant 3,07% des sols, ce qui montre un souci, maintes fois exprimé, de densifier le bâti existant. Saint-Pierre d’Irube est la ville la plus « dépensière » du département avec 6,51% de terres consommées, mais comment pourrait-il en être autrement dans cette ville banlieue de Bayonne qui a vu sa population augmenter de 17,81% ? Contactée à ce sujet, la mairie de Saint-Pierre d’Irube n’a pas été en mesure de nous donner des chiffres plus récents, concernant la période 2019 à 2023.

Un grignotage souvent proportionnel aux terrains disponibles

Comme on peut le constater sur cette infographie, entre 2013 et 2019, Bayonne s’est montrée la championne du « grignotage » de terrains avec 35 hectares artificialisés. Mais comment faire autrement quand on accueille 1 230 nouveaux habitants ? Anglet avec 33 hectares n’a pas été très économe, sauf que la ville dispose de réserves foncières beaucoup plus importantes que ses voisines. Avec 3 hectares artificialisés, Biarritz pourrait faire figure de bon élève… sauf qu’elle ne dispose plus de terrains comme les graphiques suivants vont vous le démontrer.

Par rapport à ses deux voisines, Bayonne et Anglet, Biarritz n’a quasiment plus de terres naturelles. On pourrait imaginer aussi qu’Anglet qui semble moins dense que Bayonne, a moins artificialisé ses sols. Le graphique démontre le contraire. Quand Bayonne « verticalisait » en laissant construire des immeubles, Anglet multipliait les pavillons individuels… avec le résultat que l’on peut constater sur ces graphiques. Des trois villes du BAB, c’est donc Bayonne actuellement qui dispose de la plus grande diversité de terres.

Avec pratiquement 10% d’habitants en plus entre 2009 et 2013, Saint-Jean-de-Luz n’a visiblement pas « flambé » et conserve une marge de manœuvre assez confortable. À un degré moindre, Hendaye aussi, alors que Pau, dont la démographie a baissé à cette période, arrive à un seuil critique. Saint-Pierre d’irube, n’a rien de comparable avec les six autres villes. Elle n’est là que pour illustrer la complexité des villes-dortoir où la population arrive massivement avant que des mesures très strictes d’urbanisme ne soient prises. Pour une commune qui était il y a encore trente ans à dominante rurale, sa marge de manœuvre s’étroitise.

À vous maintenant, avec ces chiffres mis à disposition par Ramdam de vous mettre à la place des élus locaux et de décider s’ils doivent densifier le bâti existant, comme le souhaite la CAPB, ou continuer à grignoter le patrimoine communal.

Docteur DATA

Les données pour Urrugne (ajout du 3 décembre)

Les commentateurs se cristallisant sur Urrugne, nous leurs communiquons bien volontiers les données en notre possession :

6 commentaires

  1. Merci au Dr Data d’avoir parfaitement cartographié la corrélation entre l’augmentation de la population et l’artificialisation des sols. Sans surprise, la ville de Bayonne récupère la médaille du grignotage des surfaces naturelles d’autant que ne figure pas la ZAD cadran Nord Est de Bayonne portant sur plus de 48 ha lui permettant de battre son score et de garder l’avantage en amputant des zones naturelles jusqu’ici préservées pour des projets d’intérêt général.Reste un dernier élément étrangement absent des débats actuels : on ne peut passer sous silence le fait que l’artificialisation des sols est aussi un véritable business!

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    1. J’ai un doute, rassurez-moi. La ville d’Urrugne existe bien toujours?
      Je serais curieuse de connaître les statistiques de ma ville.
      Toutefois le doute pourrait être permis sur cette omission: intentionnelle ou non?
      C’est à se demander à qui cela desservirait, si par cas celles-ci affichaient un camembert tout coloré en violet jaune vert, et pas en tout gris déprimant, comme ses voisines, faisant ainsi d’Urrugne figure de bon élève…..
      Enjeu 2026?????

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  2. Bonjour Ramdam.
    Je m’étonne que la commune d’Urrugne ne figure pas dans votre étude, car elle comptait en 2020 10.495 habitants, qu’elle tient de ce fait une place de choix au sein de la Communauté d’agglomération et qu’elle est très convoitée par les promoteurs immobiliers, bien que sous la réglementation « Loi littoral ».
    D’après les chiffres officiels du PLU de fin 2019, la consommation foncière constatée entre 2007 et 2017 sous l’égide de la précédente équipe municipale, a été de 112.7 ha dont 103.8 ha sont des espaces naturels et forestiers, soit 92% de la consommation totale.
    Bien sûr, me répondrez vous, les dates que j’avance ne correspondent pas exactement à celles retenues pour votre étude (2013/2019), mais je pense que vous avez matière à compléter votre dossier sur la base du très sérieux fichier des services de l’Etat CEREMA afin de réactualiser vos données et de les faire concorder avec vos dates.
    Amitiés. F. Garnier.

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  3. Merci MR Data. C’est très gentil.
    A voir toute cette palette de couleurs, j’espère que les Urruñars seront heureux d’y voir là, une bonne gestion raisonnée de « leur patrimoine foncier ».
    Qu’il en soit ainsi dans les projets d’urbanisation d’Urrugne à venir, dans les années futures…..
    Enjeu 2026………
    Encore merci.

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