S’évader par la lecture

Quand les mots des livres apaisent les maux derrière les barreaux, cela devient le Goncourt des détenus, à la Maison d’Arrêt de Bayonne.

Librairie Chez Simone à Bayonne, mardi 24 octobre 2023 : comme dans un salon, presque entre amis, une vingtaine de passionnés de littérature vont échanger leur point de vue sur les ouvrages sélectionnés pour le Goncourt. Sophie, notre souriante libraire se dit ravie de nous accueillir. David et Pauline les deux bibliothécaires en relation avec la Maison d’Arrêt, Maïder et David les deux professeurs des écoles, Jeanne et Victoria du SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) et une douzaine d’amoureux des livres ont répondu à l’invitation et sont là. Mais des lecteurs tout aussi intéressés et curieux sont absents ce soir là. Ces lecteurs qui n’ont que la lecture pour s’évader, ce sont les détenus de la Maison d’Arrêt de Bayonne.

Goncourt des détenus, deuxième édition

Jeanne du SPIP nous informe : « Cette deuxième édition du Goncourt des détenus, impulsée par les ministres de la Justice et de la Culture et organisée par le Centre National du Livre et l’Académie Goncourt, permet à une douzaine de personnes en attente de jugement, en attente d’intégrer leur nouveau lieu de détention ou en attente de libération, d’accéder à des parenthèses de lecture, de conversation et d’échanges. De nouveaux établissements pénitentiaires se sont engagés cette année dans ce projet. Ainsi, ce sont désormais près de 600 personnes détenues (femmes et hommes) dans une quarantaine d’établissements qui participent à cet évènement. « 

David, professeur des écoles à la Maison d’Arrêt nous précise : «  Ce dispositif vise à développer l’intérêt pour la lecture et le sens critique, encourager la prise de parole en public et favoriser une réflexion collective basée sur l’écoute ».

Pauline de la Médiathèque de Bayonne nous explique : «  Nous avons formé un détenu volontaire à la gestion d’un logiciel d’emprunt de livres. Ceux qui le souhaitent peuvent se rendre sur des créneaux horaires dans la bibliothèque de la Maison d’Arrêt, discuter, emprunter et ramener les livres ».

Maïder, professeur des écoles à la Maison d’Arrêt, nous renseigne :  » Nous intervenons régulièrement pour dispenser des cours à ceux qui en ont le désir. A travers ce projet du Goncourt, les échanges se font enrichissants et peuvent suivant le thème des ouvrages, amener même à des changements d’opinion sur certains sujets. Aucun sujet n’est tabou, le dialogue est possible à condition de respecter l’autre ».

Ces détenus que nous évoquons sans les connaître et sans les voir, «  veulent s’extraire de leur condition en s’intéressant à ce projet et en acceptant les conditions d’aller si possible au bout du livre, selon David. Ils sont méritants car les conditions de lecture, dans des cellules à deux ou quelquefois trois personnes, avec la télé allumée quasiment 24h sur 24h, ne leur offrent aucun calme ni possibilité de s’isoler pour s’imprégner de l’histoire. Aussi, certains optent pour des boules Quiès. D’autres ont un dictionnaire à côté d’eux pour mieux comprendre ce qu’a voulu dire l’auteur. D’autres n’hésitent pas à en parler à d’autres détenus pour les intéresser. Un autre, à sa libération avant la fin du projet n’a pas hésité à laisser ces impressions par écrit ».

Réinsérer et prévenir la récidive par la lecture

Développer la pratique culturelle au sein des établissements pénitentiaires semble être un levier efficace pour préparer la réinsertion et prévenir la récidive, en approfondissant les savoirs de base et en acquérant des compétences tant sociales que professionnelles essentielles pour le retour à la vie en société.

La préface du roman historique, social et philosophique Les Misérables de Victor Hugo, résume clairement les intentions de l’auteur : « Tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus, en d’autres termes et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, les livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles ». Rappelons que le siècle dont il est question, était le XIXe siècle. Est-ce qu’en 2024 bientôt, les choses ont évolué ? La misère intellectuelle, affective et sociale existe toujours. Si la lecture permet de s’ouvrir aux autres et de se cultiver pour mieux s’adapter, alors, lisons et lisons encore.

Danielle BONNARDET

2 commentaires

  1. Quelle belle initiative ! Bravo à tous. Je découvre ce blog grâce à Ramdam qui a envoyé un très beau message et présenté ses voeux à notre oloronaisblogueur. Je pense que je vais regarder, lire attentivement , parfois intervenir, m’enrichir, apprendre, découvrir. Il n’est jamais trop tard , à 71 ans j’ai encore envie de m’intéresser ….. Et cela permet d’oublier les ennuis de la vie de tous les jours.

    Une petite question ? Qui vous fait les illustrations ?

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    1. Bonjour Chrysaline,

      Merci pour votre message. Effectivement, au sein de RamDam 64-40, nous tenons Oloron blog en très haute estime.
      Quant aux illustrations, elles sont déposées sur notre paillasson par un anonyme et nous ne pouvons donc vous dire qui en est l’auteur.
      Très bonne année 2024 et bienvenue parmi nos nouveaux lecteurs.

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