Des vélos qui marchent sur l’eau et des élus qui marchent sur la tête. C’est à Hendaye et nulle part ailleurs. La suite de notre feuilleton sur la passerelle des lamentations.
Nouvelle Iphigénie prête à donner sa vie pour la victoire de son père Agamemnon, Madame Kehrig-Cottençon, première adjointe à la mairie d’Hendaye, nous instruit de la vertu du sacrifice : « les gens défendent leurs intérêts privés et la mairie se doit de défendre l’intérêt collectif ». (FR3 Pays Basque (1)) C’est beau ! Elle a bien appris de l’oracle Kotte Ecenarro qui répète à l’envie : « l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers », oubliant au passage que, si l’intérêt général doit être, bien sûr, le souci d’un élu, il n’a pas à être payé par une minorité. Un autre devoir primordial d’un élu est justement de veiller à ce que nul ne soit arbitrairement lésé au nom d’un intérêt supérieur. Sinon, le suffrage universel serait le moyen d’aliéner des minorités ou des faibles si leur sacrifice profite à plus nombreux qu’eux. En démocratie, ça se saurait !

Sud-Ouest du 25 janvier dernier, sous la plume de Madame Edith Anselme nous apprend que le projet de passerelle prend certaines libertés avec l’intimité des riverains. « Katia Pouchoulou, [ ] certainement la plus impactée est partagée entre tristesse et contrariété. Les promeneurs passeront au ras de son jardin et feront une jolie halte sur un belvédère prévu à l’angle. La mairie lui a promis une clôture-haie pour qu’elle puisse jouir d’une certaine intimité »
Le montage photo du dernier bulletin municipal occulte totalement, par un hasard malencontreux, la maison de Madame Pouchoulou et le raccordement de la passerelle au niveau de son jardin. Ce n’est pas de veine, mais c’est quand même gentil de la part de Monsieur le maire de lui offrir une clôture haie, du meilleur goût certainement.

À l’unisson de Madame Kehrig-Cottençon, tout le monde acquiescera qu’entre offrir à 180 000 vélocipédistes la vue sur la maison de Madame Pouchoulou et priver cette personne âgée de la vue sur la baie de Txingudi, y’a pas photo ! c’est le cas de le dire.
Et puis, voir la baie au travers des roues de 180 000 vélos, c’est pire que regarder le paysage entre les espaces des wagons d‘un train en mouvement, ça ne vaut pas le coup.
En outre, suite à ce cadeau inespéré en plastique vert, de quoi se plaindrait Madame Pouchoulou ? Bien sûr, si elle voulait vendre son appartement, elle subirait une nette moins-value, mais renseignement pris, pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Bref, la désinvolture du maire, liée à l’amateurisme de sa zélatrice font que malheureusement, à Hendaye, loin de Racine, c’est l’esprit de Courteline que nous retrouvons dans ce nouveau chapitre de sa pièce « l’article 330 » créée en 1900, où un particulier montrait son arrière train pour protester contre les parisiens qui défilaient devant sa fenêtre sur le moderne trottoir roulant électrique, bien sûr d’ « intérêt collectif »
Et maintenant les hélicos !
Autre délicate attention, certains riverains ont reçu en main propre, de la société « Housset Metal », sous-traitant pour la mise en place de la passerelle, le document suivant daté du 19 janvier 2021:
« Nous intervenons pour le compte de la mairie de Hendaye dans le cadre de la réalisation de la passerelle PORT CANETA » « les éléments de la passerelle seraient acheminés par hélitreuillage » « par mesure de sécurité évidente, il est nécessaire que les locaux ne soient pas occupés pendant ces manutentions » « ces dernières seraient prévues sur deux ou trois journées (8h à 18 h)»

Reconnaissons qu’avertir les riverains que les éléments de la passerelle, se balançant pendus au treuil d’un hélicoptère risquent bien « évidemment », d’impacter leurs façades et leur demander d’évacuer les lieux, (ils ont bien des amis quelque part pour les dépanner pendant trois jours non ?) c’est aussi élégant qu’offrir une barrière en paillasson vert. Quant au coût, trois jours d’hélicoptère à 1800 € l’heure, (2) qui s’ajoute au million d’€ déjà annoncé, il faudrait peut-être penser à annoncer au citoyen ce qu’il va payer in fine.
Aussi, à RamDam, nous avons estimé que l’on avait brassé assez d’air et dans notre courrier du 28 janvier adressé à Monsieur le maire d’Hendaye, nous écrivions, évoquant les délicates attentions ci-dessus :
« Ces comportements fort cavaliers, de priver des occupants âgés de leurs vues d’usage sur la baie comme celui de laisser une entreprise privée agir au nom de la mairie alors que la sécurité des Hendayais est en jeu, nous incitent à vous demander :
2/1) de nous confirmer que priver de vue d’un particulier en érigeant une haie soit la seule solution envisagée pour préserver l’intimité de cette personne ;
2/2) de préciser le programme actualisé et définitif des travaux envisagés par le maitre d’œuvre ;
2/3) de détailler les risques encourus par les riverains par ce mode aérien de transport de matériel non prévu au projet initial et de s’assurer que les autorisations nécessaires furent délivrées par les autorités de l’aviation civile. »
Pour le moment, pas de réponse…..
Michel GELLATO
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