Encore un gros mensonge d’État

En théorie, 20% du territoire maritime français est protégé et 10% interdit à la pêche… En théorie seulement. Récit d’une vaste blague écologique.

Allez, pour une fois, arrêtez vos habituelles couillonnades télévisuelles et débrouillez-vous pour trouver quarante-cinq minutes de temps libre, le temps de regarder gratuitement sur Youtube « Aires marines protégées, une imposture française », un documentaire réalisé par Jean-Pierre Canet et soutenu par la remarquable ONG Bloom qui se bat contre la destruction de l’océan, du climat et de la pêche artisanale.

Les Français n’en ont pas forcément conscience mais notre pays est la deuxième puissance maritime mondiale avec 10 186 624 kilomètres carrés de surface maritime mais la dix-septième seulement au niveau des aires marines protégées, malgré les fanfaronnades successives de Jean-Louis Borloo en 2008 puis d’Emmanuel Macron récemment.

Des aires qui n’existent que sur le papier

Tout avait pourtant bien commencé en 2007, un an avant le Grenelle de l’environnement avec la création du premier parc naturel en mer d’Iroise. À l’époque, tout le monde semblait avoir enfin compris que l’océan est notre meilleur allié face au changement climatique et que la « sanctuarisation » d’une zone maritime renforce la biodiversité et amène des retombées positives pour tout le monde, pêche comprise. Au Grenelle de l’environnement de 2008, le ministre de l’écologie de l’époque, Jean-Louis Borloo, annonce que 20% de l’espace maritime français va être protégé dont 10% interdit à la pêche. Quelques années plus tard, Emmanuel Macron clame que la France protège « plus de 30% » de son territoire… Ce qui est totalement faux !

La France a surtout créé ses aires marines protégées près des pôles où personne ne pêche.

Il y a bien huit parcs naturels marins en France mais la pêche y est autorisée. Dans la réalité seule 0,005% des eaux françaises sont strictement interdites de pêche et protégées. Comme l’affirme Claire Nouvian, présidente de Bloom, « les aires marines de papier existent sur les cartes, mais ne correspondent à rien dans l’eau ».

De gauche à droite, Claire Nouvian présidente de Bloom, Anne-Marie Vergez, Béatrice Ellisalde et Alice Bonnet, artisans-pêcheurs à Saint-Jean-de-Luz.

Première femme à avoir été capitaine d’un bateau à Saint-Jean-de-Luz, Anne-Marie Vergez, toute auréolée d’une récente victoire juridique sur les quotas de thon attribués à chaque bateau, commence par affirmer son soutien, « Je suis à fond avec votre combat », avant de raconter : « Il y a quinze ans, le port de Saint-Jean-de-Luz comptait une trentaine d’unités pratiquant la pêche artisanale. La moitié de ces bateaux a été vendue et les embarcations sont désormais immobilisées au port, rachetées par des industriels souhaitant récupérer les quotas de ces bateaux. Si la répartition avait été plus équitable, une partie de ces bateaux serait encore là ».

« Ce qu’on met dans nos assiettes est un choix politique »

Alice Bonnet, la benjamine, qui a débuté dans le métier sous les ordres d’Anne-Marie Vergez, ne dit pas autre chose : « Pour le thon rouge, on nous a proposé pour notre bateau une autorisation de pêche de cinq thons rouges ou 220 kilos. Armer un bateau pour cette pêche coûte très cher et il n’y a aucun bénéfice possible  avec un tel quota».

Ce que Béatrice Ellisalde, la génération intermédiaire des pêcheurs artisans, résume : « Ce qu’on met dans nos assiettes est un choix politique », tandis que Claire Nouvin a cette envolée «  La petite pêche artisanale est utilisée comme cache-sexe ».
Il est clair en effet, alors que subsistent en France 500 bateaux de pêche de moins de douze mètres qui n’ont quasiment aucun impact sur l’écosystème contre 35 bateaux-usine de plus de vingt-cinq mètres qui ratissent les fonds et saccagent l’océan, que le comité des pêches, censé défendre toutes les pêches, comme le secrétariat État à la Mer, ont fait leur choix depuis longtemps et décidé de fermer les yeux sur l’agonie des artisans-pêcheurs.

Comment inverser la tendance, surtout dans un Pays basque qui sait particulièrement se montrer solidaire ? Comment faire comprendre au consommateur qu’un poisson écrasé dans un filet au milieu de plusieurs tonnes de ses congénères n’aura jamais le même goût qu’un poisson capturé par un artisan ? Comment ne plus subir la dictature d’un comité des pêches qui ne s’intéresse qu’aux plus gros et ne défend pas les plus précaires ? Ce sont toutes ces questions qui ont été débattues le 11 avril à la Cité de l’Océan en présence d’élus locaux comme Mathieu Kayser, adjoint à Biarritz à l’environnement, qui propose un « label local » pour les poissons capturés par les pêcheurs artisans. Les AMAP qui se sont mises en place pour aider les maraîchers locaux pourraient être créées pour les pêcheurs. Et surtout, comme le monde agricole, trente ans plus tôt, les artisans pêcheurs vont devoir se battre pour survivre. Les paysans se sont éloignés il y a trente ans de la FNSEA qui ne se préoccupait que des gros céréaliers. Les artisans pêcheurs viennent de faire de même en créant l’Union Française des Pêcheurs-artisans pour défendre leurs intérêts.

Et la meilleure façon de soutenir ce combat, c’est de n’acheter son poisson qu’aux petits-pêcheurs locaux. C’est bon pour vous et bon pour la planète.

Jean-Yves VIOLLIER

Un commentaire

  1. Gilbert Foix de Came 64520

    Je suis 100% d’accord avec votre article. Cependant , je pense qu’il serait très utile pour les consommateurs que nous sommes de disposer de quelques informations concernant les lieux dans lesquels nous pouvons acheter cette pêche plus vertueuse.

    Bien cordialement

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