Beaucoup de larmes à la chambre des députés pour fustiger le traité du Mercosur dont l’Europe affirme « qu’il ne sera pas revu » .
Le 26 novembre, les députés, « ont largement rejeté la ratification de l’accord avec le Mercosur » Seule la France Insoumise s’y est opposée. Voilà qui est incompréhensible ? D’où ma curiosité qui m’a incitée à suivre les débats. Ça vaut le coup.
« Largement rejeté » est une formulation trompeuse : les députés n’ont aucun pouvoir pour faire annuler cet accord. Leur vote « à portée symbolique » est un refus du traité « tel qu’il est actuellement présenté par la Commission européenne » mais non du traité en soi. (Voir le site « la France Agricole ») Du coup, ce vote « symbolique » est un vote de soutien à la position du gouvernement qui s’insurge (un peu tard), de ce traité de libre-échange, en espérant que le gouvernement Français se fera entendre par Bruxelles. C’est pas gagné !
Mais revenons aux débats : Ça commence bien ! Marie Pochon (Ecolo.) : « Nous n’avons été prévenus qu’il y a cinq jours de la tenue du présent débat portant sur un texte inexistant – tout au plus un discours – sur le contenu d’un accord de libre-échange auquel personne n’a eu accès depuis au moins cinq ans, dont la Commission européenne dit elle-même qu’il ne sera pas revu et dont on ne sait même pas si le gouvernement qui affirme s’y opposer si fermement y a proposé des solutions alternatives. »
D’autres semblent même n’avoir reçu aucun document : M. Paul Molac (LIOT) dans un Français délicat annonce : « il eût été souhaitable que vous nous eussiez fait parvenir le texte de la déclaration avant le jour du débat » Pas con !
Retour vers le futur
Après la ministre Annie Genevard, la ministre déléguée Sophie Primas avertit d’emblée : « Revenir sur nos engagements environnementaux avec des pays aussi importants et stratégiques que sont ceux du Mercosur serait totalement incohérent » mais elle a une proposition : « les clauses miroir » c’est à dire les mêmes contraintes pour les produits importés que ceux imposés à nos agriculteurs. Cela paraît être le minimum à exiger sauf que selon M. Vincent Trébuchet (UDR) se référant à un audit du 9 novembre dernier : « le Brésil, géant de la production de volailles, est incapable de garantir des normes sanitaires minimales ! Selon un autre rapport, seul l’Uruguay – sur les cinq pays membres du Mercosur – est capable d’assurer un traçage efficace de la viande qu’il exporte, de la naissance à l’abattage » « Vous aurez beau signer n’importe quelle clause miroir et clamer que c’est une victoire, vous n’avez aucun contrôle sur les systèmes de traçabilité sud-américains »
Donc, le « miroir » est déjà cassé avant d’exister.
Echange intéressant entre M. André Chassaigne (Gauche Démocrate et Républicaine) et Mme Annie Genevard, ministre :
- « la France, est-elle prête à faire usage de son droit de véto au Conseil européen ? »
- « Bien sûr, oui ! »
Malheureusement, rappelle M. Vincent Trébuchet (UDR) : « Notre vote d’aujourd’hui, sur un sujet pourtant vital pour la nation, sera purement symbolique, faute de droit de veto. » ce qui est la vérité puisque est délégué à la Commission Européenne le droit de signer (sauf cas hypothétique où un certain nombre de pays représentant un certain nombre de personnes seraient contre. Y’a plus qu’à l’organiser, mais personne n’en a parlé ).
Mention spéciale pour Marc Fesneau (ex ministre de l’agriculture) qui fayote auprès de la ministre : « Je tiens à rendre hommage aux efforts de Mme la ministre Sophie Primas …. Les échanges sont donc entre de bonnes mains » puis, après avoir, à l’unisson des autres parlementaires, pleuré à chaudes larmes sur la condition paysanne, il rassure tout le monde : pas besoin de se prendre trop la tête puisque « une grande partie des poulets actuellement importés en France viennent du Brésil, alors que l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur n’est pas signé … Ne croyons donc pas que l’absence de traité empêche la concurrence déloyale. »
Amen !

Bref, si on peut comprendre les raisons du vote contraire de LFI « qui demandait davantage », ses députés, à mon avis, auraient fait meilleure figure en soutenant cette proposition puisque « symbolique ». Quant aux débats, il y aurait largement matière à commentaires tant certaines déclarations sont parfois ahurissantes. Mais gare ! si le Mercosur est malgré tout imposé par Bruxelles, quel va être le sentiment des Français quant à l’utilité, l’influence et le pouvoir de la chambre ? ça ne va pas redorer le blason du monde politique .
Michel GELLATO