Un grand Monsieur, vraiment ?

Alors que le décès de Didier Borotra suscite un concert de louanges sur sa personnalité, RamDam 64-40 tient à émettre quelques sérieux bémols…

Ils ne changeront décidément jamais! Ces mêmes élus qui m’ont abreuvé pendant vingt ans d’anecdotes désopilantes sur « Didier Imperator », son narcissisme, ses gueulantes, sa désinvolture avec les règles de la vie publique, se sont précipités dès qu’ils ont été sollicités par « Sud Ouest » pour dire tout le bien qu’ils pensent de l’ancien maire de Biarritz, ce « fin stratège visionnaire et bâtisseur ».

https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/biarritz/mort-de-didier-borotra-une-vision-rare-fin-stratege-les-reactions-a-la-disparition-de-l-ancien-maire-de-biarritz-21098041.php

Si Didier Borotra a incontestablement marqué l’histoire de Biarritz, s’il a eu avant les autres la vision d’une cité balnéaire qui pouvait être attirante l’hiver et su développer le tourisme d’affaires en dotant la Ville d’outils indispensables, s’il s’est montré un gros bosseur connaissant parfaitement ses dossiers et un orateur plus que convaincant, il est aussi l’homme qui a fait à l’évidence un ou deux mandats de trop et qui incarne à peu près tout ce que combat RamDam 64-40. Et notre association, même si elle trouve normal l’hommage républicain qui lui est fait, ne voit vraiment pas pourquoi le proverbe latin « De mortuis aut bene aut nihil » (Des morts, on dit du bien ou on se tait) devrait s’appliquer aux hommes politiques. Un devoir d’inventaire s’impose.

Un à deux mandats de trop

Depuis sa création en 2017, RamDam 64-40 a toujours défendu la même position : sur un même poste, deux mandats et pas plus. En prenant le pouvoir en 1991, après s’être opposé à Bernard Marie, Didier Borotra avait incontestablement une vision de l’avenir de Biarritz bien différente de celle de son prédécesseur et il a été plutôt heureux dans ses premières décisions. Malheureusement, ses vingt-trois ans de règne ont incontestablement transformé des débuts plutôt réussis en dérive autocratique et exercice du pouvoir en solitaire, ce qui a amené bien des erreurs à partir de 2008. L’affaire des 4 600 procès-verbaux qu’il avait fait « sauter » et qui lui a valu une condamnation à 30 000 euros d’amende est l’illustration même de cette dérive et pas seulement, comme l’affirment suavement les médias, le « symptôme du maire tout-puissant et d’une époque de confusion des pouvoirs ».

Un piètre sénateur

RamDam 64-40 est tout aussi fermement opposé au cumul des mandats. En étant à la fois maire et sénateur, Didier Borotra a démontré qu’il était impossible de tout faire de front et s’est avéré un bien piètre élu national, fort habile en revanche à profiter du système. Pas de permanence, une assistante parlementaire qui s’est avérée être sa fille, vivant alors à … Bogota et au final un absentéisme absolu. Ce qui ne l’a pas empêché d’accepter chaque mois les frais de mandat dévolus à tout sénateur. Il est vrai qu’à l’époque, les contrôles étaient quasiment inexistants. Se trouvant par hasard au Palais du Luxembourg en 2011, Didier Borotra est interrogé par des journalistes de « Zone interdite » qui lui demandent s’ils peuvent visiter son bureau. Didier Borotra perd un peu de sa superbe et accepte finalement. Il commence à embarquer dans les couloirs les caméramen de M6… avant de se perdre et de s’avérer incapable de retrouver le lieu où il est censé travailler. Édifiant, non, un homme qui au bout de dix-neuf ans de mandat ne sait pas encore bien où se trouve son bureau ?

Le Foro et Le Palais, les machines à amadouer

Didier Borotra arguait que son mandat de sénateur lui permettait de faire avancer les dossiers de la Ville, ce qui peut s’entendre. L’observateur extérieur a surtout le sentiment que sur sa fin de règne, celui que « L’informateur de Biarritz » surnommait « Soleil croulant » utilisait les moyens de la cité qu’il dirigeait à son profit. Le Foro, sous prétexte d’amitiés Biarritz-Amérique Latine, permettait d’inviter sur le continent ami les élus qui traînaient un peu trop des pieds ou les journalistes locaux à amadouer, pour un long « voyage d’études » aux frais des contribuables biarrots et au passage de rendre visite à la famille gratuitement. Miracle, les bénéficiaires, qu’ils soient élus ou journalistes, revenaient tous définitivement conquis par Didier Borotra. « L’Hôtel du Palais » était l’autre machine à « fluidifier les relations » du maire de Biarritz. Du temps où il était un remarquable opposant, l’avocat Jean-Benoît Saint-Cricq avait remarqué que la redevance que le palace reversait à la Ville était à peu près du même niveau que ce que la mairie versait à L’Hôtel du Palais au titre des repas et nuitées. Malgré les recommandations répétées de la Chambre Régionale des Comptes, déplorant que le nom des invités ne soient pas mentionnés sur les factures adressées par la mairie, Didier Borotra a continué dans l’opacité jusqu’au bout de son mandat, même si tout le monde affirme qu’il s’est montré très généreux avec sa famille centriste.

Une légèreté que Biarritz paie toujours…

Ce sont ces mauvaises habitudes, encore aggravées par son successeur Michel Veunac, qui a voulu garder les pratiques du passé sans avoir la carrure d’un maire, que les contribuables biarrots paient encore aujourd’hui. Une ville n’a pas à gérer un palace, ce dont Maider Arosteguy est actuellement totalement convaincue. Il fallait s’en débarrasser à un moment où il était vendable, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

De la même façon, lequel d’entre vous depuis 2014 a rencontré un estivant venu à Biarritz spécialement pour La Cité de l’Océan ? Personne, évidemment ! Au lieu de s’atteler à la création de réseaux séparatifs, ce qui éviterait les bassins de rétention et les lâchers d’étrons dans l’océan en pleine saison estivale quand il pleut, Didier Borotra a préféré le prestige d’une coquille tape-à-l’œil au contenu inepte. Au passage, il a choisi seul et contrairement à toutes les règles régissant la vie publique, l’architecte Steven Holl qui a fait un bâtiment impossible à reconvertir puisque les assurances interdisent à cause d’infiltrations possibles que des peintures y soient exposées, comme envisagé un moment. Au passage son fils Laurent, architecte de métier, a travaillé sur cette cité par l’entremise d’un cabinet d’architecte bayonnais. Au passage, sa fille Sophie a été chargée de traquer les économies pour ce bâtiment au démarrage difficile. Au passage, les juges de Bayonne comme de Pau en appel, ont été convaincus, alors que le procureur soupçonnait une prise illégale d’intérêt pour l’embauche de sa fille, que le maire qui avait sous ses ordres la directrice de la Cité de l’Océan, n’était pas au courant de l’embauche de sa fille et qu’il avait été très en colère quand il l’avait appris… Pourquoi vous souriez ?

Jean-Yves VIOLLIER

Un commentaire

  1. Un sérieux bémol aux louanges des courtisans ! Il est vrai cependant que comparé à ses successeurs et autres collaborateurs il avait une carrure et un « talent » dont on peut irrémédiablement et , vraisemblablement , définitivement faire le deuil ….

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