Tardets écartelé entre colère et regroupement scolaire

Malgré une fronde d’une partie des parents, les trois communes de Licq, Montory et Tardets semblent avoir bien fait de s’unir pour sauver leurs écoles.

Il n’est pas dans les habitudes de RamDam 64-40 de rester indifférent quand les appels au secours pleuvent. Nous n’avions guère eu l’occasion jusqu’à maintenant de beaucoup nous intéresser à la Haute-Soule, mais lorsque des parents d’élèves venus spécialement à Biarritz nous ont annoncé que trois maires basques s’étaient unis pour mettre à mal les écoles publiques de leurs communes et favoriser une ikastola, notre sang laïc et républicain n’a fait qu’un tour.

En poursuivant notre enquête, les motifs de la colère populaire sont devenus de plus en plus flous. Certains parlaient d’ikastola, pour d’autres la manœuvre visait à renforcer l’école privée du cru, tandis que les derniers se contentaient de râler sur les inévitables trajets en bus que leur progéniture allait devoir subir à partir de la rentrée scolaire de septembre 2023. Seul fait tangible, la mise en place d’un RPI (Regroupement Pédagogique Intercommunal), applicable en septembre 2023, pour sauver les écoles des trois communes de Licq-Atherey, Montory et Tardets-Sorholus, décision qui semble difficilement blâmable.

Pour tenter d’y voir clair, nous prenons rendez-vous avec Maïté Pitrau, maire de Tardets, le 30 mai dernier, ce qui nous donne l’occasion de vérifier à quel point le Pays basque peut être somptueux dans la moyenne montagne au dessus de Mauléon.

Tardets-Sorholus, un village superbe.

Madame le maire, assistante vétérinaire, n’a rien d’une politique professionnelle et le reconnaît immédiatement : « J’étais conseillère municipale et en 2020, j’ai décidé d’arrêter. Je suis rentrée chez moi avec mes cartons que j’ai commencé à trier. Et puis finalement j’ai accepté de me présenter». Maïté Pitrau évoque sans difficulté la situation scolaire de sa ville : « Vous êtes allé sur les lieux et vous avez pu vérifier que la cour de récréation de notre école est en zone inondable. Aucune extension n’est donc possible et de toutes façons nos finances ne le permettent pas ».

« On a tout à y gagner ! »

Il faut savoir effectivement que l’endettement de ces petites commune est souvent très important : plus de six années de budget pour Tardets avec une dette de 1127 euros par habitant, selon le chiffre officiel de 2021. « En 2020, nous nous sommes retrouvés avec 82 enfants alors que l’école est prévue pour 65. Les maîtresses étaient obligées de faire des rotations pour les récréations. À la même époque, Montory n’avait que 8 enfants et Licq 12 ».

Maïté Pitrau dans son bureau.

Partant du principe que l’union fait la force, les trois maires décident de se rendre à la Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale (DSDEN) à Pau, où le fonctionnaire qui les reçoit refuse dans un premier temps une union à deux villages entre Licq et Montory, avant de promettre qu’il n’y aura pas de perte de postes d’enseignants si les trois communes décident de se partager les enfants.

« On est un tout petit territoire, on a tout à y gagner » affirme Madame le maire. Deux réunions d’information des parents se déroulent à la maison des associations de Tardets, seule commune à posséder une salle suffisamment grande pour accueillir tout le monde. « Lors de la première en novembre 2021, je n’ai quasiment pas pris la parole car je savais que les discours tenus allaient être très politiques« , affirme Maïté Pitrau. La seconde en 2023 sera aussi animée, la contestation ne désarmant pas.

«  Un mouvement très à droite et très anti-basque »

Avec un peu d’amusement, Maïté Pitrau nous montre le chambranle largement fissuré de la porte du bureau qu’elle occupe à la mairie. « Un parent d’élève pas content qui a claqué la porte un peu brutalement », se contente d’ajouter, flegmatique, la première magistrate : « L’agitation actuelle est politique. Nous sommes confrontés à un mouvement très à droite et anti basque ».

Des propos qui semblent confortés par notre enquête, un élu d’opposition, désigné par tous comme le meneur de la fronde anti-maire, ayant refusé de répondre à nos questions. Attitude qui laisse perplexe. Quel est l’intérêt de tirer les ficelles en douce et de ne pas prendre la parole publiquement si on est élu ?

Concrètement, les enfants de maternelle seront regroupés à Montory, les CP à Licq, tandis que les plus grands se rendront à Tardets, ce qui les préparera à intégrer le collège local situé juste à côté.

Ancien directeur d’école primaire, Michel, notre conseiller pédagogique à RamDam, approuve totalement la décision de ces trois maires : « J’ai moi-même vécu au cours de ma carrière un regroupement pédagogique entre deux communes et tout le monde est gagnant. La classe unique n’est jamais une bonne solution, même si elle existe encore dans de très petits villages. Sur ce que j’ai compris, les enfants vont être une douzaine par tranche d’âge, ce qui est idéal pour bien travailler ».

Le sentiment de RamDam après cette longue enquête est assez clair : nous rencontrons souvent des citoyens qui protestent contre l’absence de logements sociaux sur la Côte basque mais qui, comme à Espelette ou sur le plateau Aguilera, s’indignent quand les élus veulent en construire près de chez eux. De la même façon, tout le monde va trouver très bien qu’une commune sauve une école à condition de ne pas être directement impliqué. C’est pour cette raison qu’un petit groupe d’activistes, refusant que l’on dévoile leurs noms, a tenté d’envoyer RamDam au feu à leur place. Et lorsqu’on a demandé à chacun, au moment de la rédaction de cet article, de prendre ses responsabilités, envolés les protestataires !

Lorsqu’on interroge Maïté Pitrau pour savoir si elle a le sentiment, avec ce regroupement scolaire, de favoriser l’ikastola locale, elle éclate de rire : « Je ne comprends pas du tout ce reproche. Mes enfants ont fréquenté cette ikastola, mais je peux vous dire que l’implication des parents est tout autre que dans une école publique ».

À bon entendeur…

Jean-Yves VIOLLIER

Un commentaire

  1. Il s’agit d’une démarche strictement personnelle d’une grand mère en colère qui a profité d un déplacement personnel pour échanger avec vous puisque j’avais eu l occasion de vous lire concernant la mise en place de stationnements payants sur la commune d URRUGNE. qui avait suscité une grande colère.

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