Quand SAFRAN fait la manche c’est pas pour des pièces jaunes

L’expression « se faire payer un resto » à Tarnos, l’entreprise au chiffre d’affaires de 16 milliards l’a pris au premier degré.

L’usine « Safran Helicopter Engines » (ex Turboméca) de Tarnos qui emploie actuellement 1500 salariés dispose d’un restaurant d’entreprise obsolète. Dans le cadre du programme de rénovation  »Cap 2020 », cette cantine miteuse constitue une verrue peu valorisante dans le milieu de l’aéronautique.
Sur le trottoir d’en face se situe le « Pole Technologique Bertin » zone d’activités créée par la municipalité de Tarnos qui regroupe environ 25 entreprises et des centres de formation. Ce pôle dispose d’un bâtiment appartenant à la commune qui accueille des services administratifs et dispose d’un agréable restaurant d’entreprises géré par la CISC  »Eole », coopérative dans la mouvance de l’économie sociale et solidaire.

Au rez-de-chaussée l’actuel restaurant, pas si obsolète que cela

En février 2019 la « Communauté de communes du Seignanx » sur incitation de SAFRAN décide de construire un restaurant d’entreprises sur une parcelle de 6 200 m2 située actuellement dans l’enceinte de l’entreprise. Cette parcelle actuellement dédiée à un parking du personnel serait cédée à la collectivité pour le franc symbolique
En résumé voilà un projet évalué à 8 millions d’euros dont va profiter sans réelle mise de fonds le groupe SAFRAN, ce petit nécessiteux au chiffre d’affaires de 16,498 milliards d’euros en 2020 et qui a touché de l’État sur cette même année 39 millions de crédit d’impôt via le CICE)

Le double chantage de SAFRAN

RamDam a cherché à comprendre les raisons qui justifient un tel projet qui apparaît comme un doublon rendu possible grâce l’ utilisation exclusive de fonds publics dont notamment 1,5 million € à charge des contribuables du Seignanx
Pourquoi ce projet n’a t-il pas été porté par les deux principaux partenaires à même d’assurer le fonctionnement de la structure, SAFRAN et la C.I.S.C Eole ?
Il apparaît qu’il a semblé plus facile et surtout moins onéreux pour SAFRAN d’effectuer un double chantage auprès de la municipalité à obédience communiste de Tarnos. Chantage à l’emploi d’une part et chantage à la concurrence vis à vis d’Eole qui en restant sur le trottoir d’en face aurait pu voir son activité vidée de son contenu.

Ainsi SAFRAN en profite pour se faire offrir sur un plateau le top en matière de restauration et de réception avec à la clef trois types de restaurants, bar, salons VIP, amphithéâtre, des installations certes ouvertes à d’autres utilisateurs mais néanmoins réalisés sur mesure pour l’avionneur et payées sur fonds publics. L’entreprise n’en est pas à son coup d’essai puisque pour son unité d’exploitation de Bordes elle avait déjà utilisé le même stratagème.
Seul point positif du montage : l’entreprise Eole, prestataire de service verra son activité pérennisée en versant un loyer à la communauté de communes, qui si tout marche bien, récupérera sa mise initiale au bout de 20 ans minimum.
Ce cas n’est pas isolé en effet on assiste à une inversion des rôles, d’un coté les collectivités publiques deviennent des bâtisseurs et des bailleurs pour le compte des entreprises privées et parallèlement des entreprises privées construisent et louent pour accueillir des activités relevant du service public : stades, musées, prisons.


Dominique LAPIERRE

La légèreté des élus dans ce dossier à 8 millions d’euros

Pour comprendre la philosophie de ce projet, Ramdam en a profité pour rencontrer Isabelle Dufau, la présidente de la communauté d’agglomération du Seignanx et Pierre Pasquier, vice-président chargé du dossier. Leur aimable et courtoise présentation nous laisse tout de même sur notre faim. Nous aurions aimé que les deux élus puissent avoir moins de désinvolture et plus de caractère à opposer quand Safran joue le petit jeu bien connu de l’entreprise nécessiteuse sur le territoire. Quand nous avons demandé quel était le coût pour l’étude de faisabilité du projet, tous les deux avaient le nez plongé dans leurs dossiers afin de trouver les chiffres. En vain, nous ne les avons jamais eus.

Quant au chiffrage du projet global c’est la même chose. On part à 6 millions d’euros, on finit à 8 mais personne n’est sûr de rien, cela pourrait être plus. Pierre Pasquier nous annonce que le terrain, en question sur lequel sera construit le futur restaurant d’entreprise, fera 3200 m². Isabelle Dufau, après avoir cherché dans ses notes et sur notre insistance rectifie, avant d’ annoncer qu’il est en fait de 6 200 m². Nous sommes pour le moins circonspects sur l’attitude des élus pourtant garants des deniers publics. Certes Safran emploie un certain nombre de salariés mais la légèreté des élus depuis plusieurs mois, que ce soit ancienne ou nouvelle majorité, nous interpelle grandement.

Quid du ticket d’entrée de Safran une fois le bâtiment construit ? Là encore c’est sans réponse. Alors certes, la présidente de l’Agglomération du Seignanx est nouvelle à ce poste mais ce dossier elle le connaît parfaitement bien puisqu’elle était présente lors de la dernière mandature. Il suffit juste à Safran de dégainer l’arme du chantage aux licenciements pour que tout le monde s’étale. Ce n’est pas la première fois que l’entreprise use et abuse de ce système. C’est aux dirigeants de Safran de rénover leur cantine interne au lieu de faire payer la collectivité pour elle. On s’étonne également d’avoir été interpellé par Pierre Pasquier sur notre intérêt et sur notre manque de confiance envers les élus. De la part d’un nouvel élu qui pendant la campagne se réclamait d’Anticor, la remarque est savoureuse.

François BERLAND

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